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Théâtre Un désir impensable

février 2023 | Le Matricule des Anges n°240 | par Patrick Gay Bellile

Lenaïc Brulé soulève un tabou et pose une question interdite : peut-on souhaiter la mort de son enfant ?

Claire est au bord de la rivière. Avec Martin et leur fils Sacha. Ils forment une jolie famille, en vacances dans les Vosges. Claire a loué un petit chalet en bois. Il fait beau. Sacha construit un barrage, Claire tente de faire des ricochets sur l’eau. Avec des pierres plates d’abord. Puis « des pierres de plus en plus lourdes / Les jette pour entendre le plus gros plouf possible / Regarde fixement le crâne de Sacha / Evalue la distance entre la pierre dans sa main et le crâne de Sacha / Se demande s’il vaut mieux frapper à l’arrière du crâne pour qu’il tombe en avant / ou à l’avant pour qu’il tombe en arrière / (…) Le temps que les secours arrivent / Sacha meurt sans trop souffrir ». Un éclair, une sidération, une image surgie brutalement comme l’aboutissement d’un long processus. Tout cela bien sûr n’aura pas lieu. Sacha prendra son goûter normalement. La vision de Claire s’effacera, un fantasme peut-être, un tabou certainement. Une mère peut-elle avoir le désir, même inconscient, de tuer son enfant ? C’est pourtant cette image qui l’a envahie, ce geste inimaginable, mais libérateur peut-être, comme venant assouvir une envie secrète.
Mais revenons au début de la pièce. Claire vient d’apprendre que son mari et son fils ont eu un accident de voiture. Son fils est mort, son mari s’en sort. Mais leur fils était-il attaché ? Le père affirme avoir lui-même bouclé la ceinture. Et donc n’être en aucun cas responsable de cette mort. Commence un long parcours aux couloirs parallèles. Lui s’en remet à la justice pour se convaincre qu’il n’y est pour rien. Elle fait appel à sa mémoire, pour revisiter l’histoire, pour reconstituer le parcours qui aboutit à cette mort. Par fragments. Ainsi sont nommées les différentes scènes de la pièce. Claire repart du début, de sa rencontre avec Martin. Leur désir de vivre ensemble. Et puis l’évidence, l’obligation, l’injonction peut-être d’avoir un enfant. Plus que le désir. Bien sûr le désir est là aussi, mais est-ce vraiment le sien ? Ou celui de Martin ? Ou plus largement celui d’une société pour qui un couple sans enfant reste un mystère ; comme s’il remettait en cause un des fondements de la société : « Fonder une famille, c’est la suite logique. C’est la destinée de toute femme d’être mère. La plus belle chose qui puisse t’arriver dans la vie. Tu vas le regretter si tu n’as pas d’enfant. » Et au fil de ces fragments apparaissent les fêlures, les pensées incorrectes concernant la présence d’un enfant et les soins qu’il faut lui apporter. Un enfant qui crie bien sûr, qui ne dort pas toujours quand sa mère le souhaiterait, ne mange pas ce qu’elle lui a préparé. Un enfant qui gêne parce qu’il les coupe de leurs amis. Un enfant qui, quelque part, encombre. Et donne envie de fuir. Et puis c’est l’accident. Et au bout du parcours, une prise de conscience pour Martin : « Nous n’avons pas vécu la même histoire depuis la naissance de Sacha. Ce n’est pas une question d’amour. Je ne t’en veux pas tu sais. Je m’en veux de n’avoir rien vu. De ne pas avoir vu quelque chose qu’il m’était impossible d’envisager. » Et pour Claire, une autre vie commence.
La grande force du texte est d’opérer comme un scanner temporel qui nous détaille les étapes de cette vie familiale, la résumant parfois à certains verbes, à certaines listes d’actions faites ou à faire. Pour comprendre, se persuader que quelque part la réalité est venue répondre à un impossible dilemme. L’écriture stylisée, attachée à l’essentiel, bannissant toute facilité, agit comme une loupe. Comme pour aller voir de plus près ce qui se trame dans ce cerveau, dans cet inconscient de mère de famille qui répond pourtant à toutes ses obligations, mais se laisse parfois envahir par un désir impensable.

Patrick Gay-Bellile

Ricochet
Lénaïc Brulé
Lansman, 52 pages, 10

Un désir impensable Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°240 , février 2023.
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