Fondées par Antoinette Fouque et les militantes du Mouvement pour la libération des femmes (MLF), très actif dans les années post-1968, les éditions Des Femmes maintiennent cinquante ans plus tard leur cap. Leur message est simple : elles souhaitent « mettre l’accent sur la force créatrice des femmes ». Un colossal Dictionnaire universel des créatrices en trois volumes (2013) a d’ailleurs parachevé le constat que les « femmes enrichissent la civilisation ». Si peu en doutent désormais, le catalogue des éditions Des Femmes a imposé depuis 1974 les voix de Jeanne Hyvrard, Hélène Cixous, Chantal Chawaf tout en proposant des rééditions d’ouvrages de Madame de Staël ou de George Sand, des témoignages, correspondances et la très riche collection « La Bibliothèque des voix » qui propose depuis 1980 les premiers livres audio en Europe. Recentrant ses forces, le secteur du livre jeunesse a été abandonné et la poésie étrangère s’impose à nouveau remettant en lumière des œuvres de première importance. Pour y voir parfaitement clair, entretien à plusieurs voix avec Christine Villeneuve, co-directrice et témoin historique de l’évolution de la maison, Laure Salathé et d’Emma Tholozan qui illustrent le renouvellement générationnel de ce qui apparaît aujourd’hui comme une institution.
Comment entretenez-vous l’héritage du MLF avec l’activité éditoriale aujourd’hui ?
Christine Villeneuve : La maison d’édition est née du MLF qu’Antoinette Fouque a cofondé. C’est vraiment son ADN. Il ne s’agit pas d’héritage mais plutôt de transmission car le Mouvement de libération des femmes n’est pas mort, il s’est simplement transformé depuis 1968, d’une génération à l’autre au point que les Femen par exemple se considèrent comme les petites-filles du MLF. Dès sa création, la maison d’édition a fait coexister en un même lieu des textes de femmes expérimentant de nouvelles formes d’écriture, des textes interrogeant l’intime, la sexualité, la folie, etc. – ce qui était très novateur –, en même temps que des textes témoignant des luttes de femmes à travers le monde. C’était d’une certaine façon le reflet de ce qu’il se passait au sein des réunions du MLF, mouvement dont la non-mixité permettait une expression libre des participantes, ce qui a fait héberger la question des violences sexuelles – le viol, l’inceste – mais aussi celle des pratiques sexuelles prises dans la domination masculine et son corollaire, le masochisme. Les mêmes manifestaient et menaient des campagnes de solidarité internationale à l’égard de femmes également en luttes ailleurs contre des dictatures et/ou pour leurs droits, de femmes emprisonnées, menacées de mort qu’il fallait tenter de sauver. Cette ligne éditoriale nous paraît toujours extrêmement pertinente. Nous sommes des militantes de terrain et des éditrices attentives aux nouvelles formes d’expression, aux sujets qui émergent ou reviennent au premier plan.
Quelle est la part de la littérature dans vos publications ?...
Éditeur Des femmes novatrices
avril 2024 | Le Matricule des Anges n°252
| par
Éric Dussert
Émanation du MLF, les éditions Des Femmes–Antoinette Fouque insistent sur le nom de leur fondatrice pour souligner la continuité de leur action : les femmes créent.
Un éditeur