auteur Juan Goytisolo
A propos
La gloire du paria
Le romancier et essayiste espagnol s’est éteint à Marrakech le 4 juin. En ces temps où nations et individus se recroquevillent dans la crainte ou la haine, redécouvrons un écrivain délibérément étranger, explorateur jamais satisfait de territoires humains et littéraires, l’exilé d’ici et d’ailleurs.
En 1955, âgé de 24 ans, Juan Goytisolo arrive à Paris : il a rendez-vous, chez Gallimard, avec Maurice-Edgar Coindreau, le traducteur de son premier roman Jeux de mains. L’accueille « une jeune femme dorée par le soleil, aux cheveux très courts », Monique Lange, secrétaire du service des traductions, alors dirigé par Dionys Mascolo. Coup de foudre et de chance : ils s’aimeront, vivront ensemble, grâce à elle il rencontrera Genet, Duras et le groupe de la rue Saint-Benoît. Il s’installe à Paris. En 1970, sur les hauteurs de la forteresse de Tanger, où il vit depuis déjà quelques mois, il...
Dans la forêt de l’écriture
L’œuvre de Goytisolo est abondante, labyrinthique. Yannick Llored, maître de conférences en littérature espagnole à l’Université de Lorraine et auteur de plusieurs ouvrages sur Goytisolo, nous sert de guide.
Quel parcours pourriez-vous indiquer au lecteur dans cette forêt touffue que constitue l’œuvre de Goytisolo ? Quels chemins y tracer, quelles clairières y ménager ?
Après une première période placée sous le signe du « réalisme critique », qui s’étend du début des années 1950 jusqu’au milieu de la décennie suivante, le roman Pièces d’identité (1966) établit une transition cruciale entre le...
Juan Goytisolo, l’hérétique
De livre en livre, à l’écart de tout tapage médiatique, l’œuvre singulière de Juan Goytisolo s’impose sans nul doute comme l’une des plus importantes et des plus exigeantes de notre temps. L’une des plus inclassables, aussi, ne serait-ce que par la multiplicité des registres traversés : une quinzaine de romans, avant tout, dont ces chefs-d’œuvre que sont Don Julian (1971), Juan sans terre...
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Ouvrages chroniqués
Et quand le rideau tombe
de
Juan Goytisolo
2005
À travers un récit testamentaire qui prend aussi la forme d’un voyage mystique, Juan Goytisolo livre depuis Marrakech un émouvant adieu à la vie.
Il faut bien, à un écrivain né en 1931, imaginer sa disparition. Surtout lorsque son épouse aimée a rejoint le grand inconnu. Ce chant élégiaque d’un des plus importants écrivains espagnols contemporains est un grand moment autobiographique, tourné vers le passé, mais avec une étonnante dimension prospective.
Car Goytisolo nous a déjà livré deux volumes de son autobiographie. Chasse gardée et Les Royaumes déchirés racontaient son enfance dans une Barcelone secouée par la guerre civile, puis sa formation d’écrivain menacé par la censure franquiste, au point qu’il dut s’exiler en France...
Foutricomédie
de
Juan Goytisolo
2002
Autobiographie déguisée, maquillée, baroquisée, cette Foutricomédie, parfois exténuante, parfois exténuée, ne nous offre finalement qu’une image partielle de son auteur.
Nul doute que Juan Goytisolo tient ici jusqu’au bout le défi qu’il s’est lancé : retrouver l’aisance, le rythme, l’alacrité de modèles romanesques d’un autre temps, plus aventureux (et plus libre ?) : le Quichotte, la Célestine, les romans picaresques ou les contes philosophiques de Voltaire. Le dispositif narratif alambiqué, auquel il faut se laisser aller, joue du manuscrit retrouvé, des notes de l’éditeur, de la confusion des voix et des vies entre le frère Bugeo Montesino, auteur putatif de cette Foutricomédie, le père de Trennes (échappé des Amitiés particulières de Peyrefitte !),...