La rédaction Jacques Serena
Articles
Un auteur
Du pire que vrai
Calaferte, je le lis tard, d’accortes bibliothécaires me le recommandent, j’atermoie, en général quand on me vante un auteur, au bout de dix lignes je me demande pour qui on m’a pris. Mais là, malgré la recommandation, j’accroche. Il faut dire que je tombe sur son Requiem des innocents. Une langue vivante, qui bouge encore, qui fait écho en moi, des mots qui touchent en plein. Un rythme, un ton, loin du beau verbe usé, usuellement primé, embaumé. Surtout, je flaire de l’authentique roman, même si en préface un ballot parle de témoignage, tente l’argument crétin de l’histoire vraie, ce...
Un auteur
Sale fenêtre
Jacques Serena nous a offert ce texte inédit. Sale fenêtre est, à l’origine,une version possible d’une fin de Lendemain de fête. Ceux qui n’ont pas encore lu ce roman seraient bien inspirés d’aller y voir…
Une fois dans l’escalier il faut monter jusqu’en haut, l’escalier sombre et étroit. Ça dure longtemps. D’autant plus longtemps que je monte lentement, fatigué comme me voilà.
En haut il n’y a pas de palier, la porte de la chambre est directement collée à la dernière marche. Je pousse la porte, et quand elle s’ouvre me reviennent toutes les autres fois où j’ai dû pousser cette porte. Mais les...
Des plans sur la moquette – chronique
Le sens de la marche
Je suis chez moi, dans mon jardin, fin d’après-midi, quand tout à coup Pauline débarque. Mon amie Pauline, jeune femme mais allure de fille, pas grande, bonnes joues, sauvage, domiciliée chez ses parents. Des années que je la connais, elle venait à mes premiers ateliers d’écriture sur Toulon et reviens dès qu’elle apprend que j’en refais dans le coin. Comme tout le monde aujourd’hui, elle a du mal à tenir le coup, à supporter les conditions, questionnaires, convocations, comptes à rendre, tout ce qui est à tout bout de champ imposé aux jeunes femmes dans son genre, sauf que chez elle...
Le train la bibliothécaire et les rats
C’était un soir assez banal, fatigue, torpeur. Les passagers somnolaient ou lisaient. D’un bout à l’autre du wagon, on ne voyait que des têtes baissées. J’étais avec une amie, une bibliothécaire que je venais de retrouver par hasard sur le quai, elle devait rester deux jours dans les parages et je venais de lui offrir l’hospitalité pour la nuit. Je me souviens qu’elle me montrait en riant une...
Vivre, s’est étranglé le père
Fin avril dernier. Je viens de finir ma lecture publique à Angers. Une fille vient vers moi et me parle, directe, naturelle, rieuse. Et moi, tout de suite, sidéré, capté. C’est peu dire, charmé, carrément, moi. On ne décide rien, je la suis, jusqu’à tard dans la nuit. Je pourrais m’attarder sur quand elle regarde l’église à travers son verre de bière et dit avec gravité : c’est comme ça que...