Avec Mort dans l’avion & autres poèmes, les éditions Chandeigne offrent l’exemple quasi parfait de ce qu’on peut faire pour inviter à la découverte d’un poète. En choisissant de ne réunir que les poèmes de Carlos Drummond de Andrade qu’avait traduits Ariane Witkowski, Chandeigne nous propose une traversée cohérente de l’œuvre. Considéré comme le plus grand poète brésilien du XXe siècle, Carlos Drummond de Andrade (1902-1987) est l’auteur d’un poème célèbre au Brésil. « Au milieu du chemin il y avait une pierre/ il y avait une pierre au milieu du chemin… » Engagé dans la vie publique et sociale, il évoque des destins de sable, l’amour blessé, le malheur et le bonheur enfui, mais il le fait avec un étonnant sens de l’ultime, dont le poème qui donne son titre à l’ensemble Mort dans l’avion est tout à fait emblématique. Drummond de Andrade écrit comme si tout poème était le dernier, dans une sorte de compagnonnage de la mort, au présent d’une espérance morte, dans l’élégie du il y avait. Mais avec la souffrance ou l’intensité de ce qui le brûle, il enflamme le poème. Qu’il évoque son père, son « merveilleux pouvoir d’ouvrir les bouteilles/ sans tire-bouchon,/ de défaire les nœuds, de franchir les fleuves à cheval » ; qu’il évoque la morsure du désir (« Le tramway passe bondé de jambes :/ jambes blanches noires jaunes./ Pourquoi tant de jambes, mon Dieu », la flamme de la vie s’installe, teintée de mélancolie mais giflée de splendeur latente. Des poèmes comme des bougies émaillant la nuit du monde et rendant le deuil plus supportable.
Mort dans l’avion & autres poÈmes
de Carlos Drummond de Andrade
Traduit du portugais par Ariane Witkowski, Chandeigne, 95 pages, 10 €
Poésie Élégiaque
mars 2005 | Le Matricule des Anges n°61
| par
Richard Blin
Un livre
Élégiaque
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°61
, mars 2005.