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Histoire littéraire Au goût du jour

mars 2007 | Le Matricule des Anges n°81 | par Lucie Clair

A l’heure de la réhabilitation des patrimoines, deux éditeurs optent pour une approche différente de l’épopée d’un poète crétois du XVIIe siècle.

Erotocritos

Érotokritos

Comment rendre attirant pour le public d’aujourd’hui, ultra-sollicité et habitué aux textes courts (faciles à lire dans un bus ou le métro, c’est l’excuse) un poème de plus de dix mille vers, écrit il y a quatre cents ans par un presque inconnu ? un pavé et un défi !
Il aurait pu paraître suffisant de dire qu’Erotokritos (ou avec un « c », selon les traducteurs) est une œuvre à nulle autre pareille, qu’il y règne une modernité formidable, (si si), que le héros éponyme est un jeune homme intelligent, sensible et courageux, épris d’une princesse qui ne lui est pas destinée de ce fait, s’engage à vivre « faux pas (et) vrai danger » et qu’au terme des vicissitudes de cet amour contrarié, où folles passions se rencontrent, promesses s’échangent, et familles s’affrontent, à coup d’exil volontaire, forcé, emprisonnement et tournois, un dénouement heureux et un monde de civilité, de sagesse et de tendresse sont les récompenses du lecteur qui n’aura eu qu’à surmonter la réticence première d’un préjugé car dès les premières pages, on est envoûté. Erotocritos se lit comme un roman. Enfin un bon roman.
Et une étonnante aventure éditoriale : la version qui nous est rendue aujourd’hui n’est sans doute pas l’originale et la chose fait l’objet de maintes études érudites elle est issue de la publication par Antonio Bortoli, éditeur vénitien, en 1713, qui s’attacha « à collectionner les nombreux manuscrits de l’Erotocritos, que l’ignorance de certains copistes avait truffés d’une foule d’erreurs, d’interpolations, voire d’altérations quasi incompréhensibles »… Quant au texte initial, écrit par Vitzentzos Cornaros, environ un siècle plus tôt, peu de temps avant la conquête de la Crète par les Ottomans, il n’avait dû sa survivance qu’au « vivant cortège de la tradition » tel que Georges Séféris le nommait en 1946 dans une conférence, transmission de génération en génération à travers chants et récitations publiques, des montagnes crétoises aux confins du Péloponnèse, chez les lettrés, comme les bergers analphabètes car cela se poursuivit jusqu’à récemment, tant les versions publiées restaient peu diffusées et force de vitalité des formes rythmées, ici le « vers iambique de quinze pieds » qui s’adapte au phrasé grec et sustente la mémoire. Épopée du texte en écho à celle du poème, qui n’est pas sans rappeler Le Gésar de Ling tibétain.
Pour la première traduction en français de l’intégralité du texte crétois, deux versions paraissent simultanément chez deux éditeurs illustrant la question cruciale de la traduction, posée par toute œuvre versifiée (L’Iliade et l’Odyssée avaient ouvert la voie) : parti pris puriste chez José Corti, tant dans la translittération des noms que dans le choix de conserver la forme versifiée du poème. Parti pris de l’accessibilité que représentait l’utilisation par Cornaros d’une langue populaire, par la transformation en prose chez Zoé. Et les deux sont remarquables, servant la sensibilité et le rythme, la proximité et la simplicité du texte. Travail titanesque pour les deux traducteurs. Robert Davreu chez Corti, a misé sur un travail collectif, mis en perspective pendant trois ans par des lectures en assemblée, dans le cadre de l’Atelier européen de la traduction, et cette rigueur fouillée se goûte à la lecture. Denis Kohler, chez Zoé, a réuni un imposant dossier historique et sut trouver l’équilibre entre l’authenticité d’une langue ancienne et sa transcription en une syntaxe moderne. Un seul regret tient à l’ajout chez Corti d’un enregistrement sur DVD du concert donné en mai 2006 dans la ville d’Agios Nicolaos, copie d’un son médiocre et à l’image tremblante quitte à joindre un objet sonore quand le livre offre une maquette d’un goût parfait, il aurait été préférable que la qualité technique soit au rendez-vous.
Reste dans les deux livres le même plaisir à goûter sans retenue de « cette force qui renouvelle et refonde sans cesse un ordre du monde qui, sans lui, serait voué à une mort certaine » Eros.

Erotocritos
Vitzentzos
Cornaros
Traduit du grec
par Denis Kohler
Postface de Georges Séféris
Éditions Zoé
316 pages., 22
Erotokritos
Vitzentzos
Cornaros
Traduit du grec
par Robert Davreu
(+ DVD)
José Corti
352 pages, 30

Au goût du jour Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°81 , mars 2007.
LMDA papier n°81
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