Entre accueil et rejet : ce que les villes font aux migrants
Dirigée par l’anthropologue Michel Agier, la collection « Bibliothèque des frontières » s’enrichit d’un nouveau titre coordonné par Véronique Bontemps, Chowra Makaremi et Sarah Mazouz, tous trois du CNRS. Il synthétise des recherches de fond menées par une quarantaine de chercheurs au croisement de la sociologie urbaine, de la sociologie des migrations et de la sociologie des mobilisations citoyennes. Analyses fouillées assorties de témoignages incarnés, qui donnent de l’épaisseur vécue aux enjeux et situations, cet ouvrage collectif met en lumière « les formes d’hospitalité communales » dans un contexte européen, élargi à la Turquie. Largement accessible aux non-universitaires, ce livre donne à voir comment, de Paris à Berlin, de Copenhague à Barcelone, des « villes refuges » accueillent, ponctuellement ou pas, des migrants. Comment se met en place la « gestion de l’urgence », comment s’improvisent de nouveaux réseaux de sociabilités de l’exil et de quelle nature sont les modalités des solidarités. Comment se dessinent, non sans crispation identitaire, d’imprévisibles « logiques d’interconnaissances » entre résidents et arrivants. Forte d’un large rayon d’action, cette enquête plurielle interroge donc « non seulement ce que les villes font aux migrants, mais aussi ce que le fait de se poser à l’intérieur des villes fait à la question migratoire ». Et c’est précisément cette double détente, cette articulation qui peu à peu fait émerger l’échelon municipal sinon comme un foyer de « résistance aux tentations autoritaires de l’État », du moins comme un lieu où, soit au nom de l’altruisme soit pour des motivations plus politiques, on panse « les maltraitances institutionnelles ». Voilà un ouvrage précieux parce que toujours nuancé et ancré tout entier dans la réalité telle qu’elle est et non telle que beaucoup la fantasment.
Anthony Dufraisse
Entre accueil et rejet : ce que les villes font aux migrants,
Le Passager clandestin, 160 pages, 10 €