La vie de Henry Jean-Marie Levet ne dura que trente-deux années (1874-1906) et son œuvre est des plus minces, l’essentiel de son génie tenant à une dizaine de Cartes postales, dix poèmes publiés en revues entre 1900 et 1902, aujourd’hui à nouveau réunis accompagnés d’autant d’échos graphiques signés Daniel Nadaud.
Après avoir fréquenté la bohème montmartroise, Levet entama une carrière diplomatique qui le conduisit de Manille à Las Palmas, en passant par l’Inde et l’Indochine avant de mourir de phtisie à Menton. Ses poèmes lui ressemblent, mêlant désinvolture et indolence. « L’ARMAND-BÉHIC (des Messageries Maritimes) / File quatorze nœuds sur l’Océan Indien… / Le soleil se couche en des confitures de crimes, / Dans cette mer plate comme avec la main. » Sous l’écume des apparences et un soleil qui ne cesse de briller, c’est un monde qui va bientôt disparaître qu’évoque Levet, celui des colonies, des consuls, des comtesses, des officiers. Avec une ironie lucide, cet amoureux de la diversité des pays et des hommes observe le manège des mondanités, le snobisme étudié, les cœurs lourds, la solitude. « Ni les attraits des plus aimables Argentines, / Ni les courses à cheval dans la Pampa, / N’ont le pouvoir de distraire de son spleen / Le Consul général de France à la Plata ! »
Sur fond de vapeurs d’opium, de douceur épicée ou de blâme réprouvant « la barbarie des officiers envers les noirs », c’est du mirage de l’exotisme, du cosmopolitisme et du désir d’ailleurs que se joue Levet en des vers d’une forme désuète auxquels son sens de la dérision et de l’humour parvient à donner un déhanchement narquois, une sorte de boitement concerté. C’est mélancoliquement désenchanté, innervé d’inertie secrète mais auréolé d’infinie désirance.
Richard Blin
Dessins de Daniel Nadaud,
Éditions Unes, 32 pages, 12 €
Poésie Cartes postales de Henry Jean-Marie Levet
mars 2018 | Le Matricule des Anges n°191
| par
Richard Blin
Un livre
Cartes postales de Henry Jean-Marie Levet
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°191
, mars 2018.