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Histoire littéraire Zébrures d’épistole

janvier 2024 | Le Matricule des Anges n°249 | par Anthony Dufraisse

Plus que littéraire, la correspondance entre Georges Perros et Pierre Pachet montre une amitié à hauteur d’hommes.

Correspondance 1968-1978

Pierre Pachet / Georges Perros
Editions Bruit du temps

Qui découvre un jour Georges Perros (1923-1978) et ses écrits à nul autre pareils, dont les fameux Papiers collés, ne pourra plus jamais s’en détourner. Cette correspondance avec son cadet de quatorze ans Pierre Pachet (1937-2016), qui lui aussi nous manque, est une belle occasion de les retrouver, et ce grâce à Thierry Gillybœuf, impeccable transcripteur des quelque 150 lettres échangées pendant dix ans entre les deux hommes. Cette relation épistolaire commence en avril 1968, amorcée par un Pierre Pachet écrivain en devenir, dont on reconnaît tout de suite la prose effervescente, qui tire un peu à hue et à dia, brouillonne et bouillonnante à la fois. Pour s’armer de courage (celui de prendre langue avec son aîné admiré), il fait fond sur La Vie ordinaire, publié par Perros un an plus tôt. La réponse de l’intéressé ne se fait pas attendre et, tout de suite, se donne sur le ton de la familiarité, de l’immédiate affinité, intuitive. Sa lettre se termine sur ces mots : « Ce serait bien qu’on se cause de temps en temps, comme ça ». Tout Perros est peut-être là, dans ce comme ça, signe d’une vraie-fausse désinvolture qui est, en quelque sorte, sa marque de fabrique, son esprit même. Ces deux-là se causeront donc de temps en temps, une décennie durant, jusqu’à l’automne 1977. Côté Perros, la dernière lettre envoyée date apparemment du mois d’avril. Il y parle de sa benjamine, « la môme Catherine », opérée de l’appendicite. « J’ai donc retrouvé l’hôpital », écrit-il sobrement, lui qui mourra en janvier 1978, emporté à 54 ans seulement, d’un cancer du larynx.
Entre-temps, marquée toujours au sceau du vouvoiement, une amitié prend forme sous nos yeux. Elle se dit surtout sur le mode des lectures en cours (Joubert, Levinas, Merleau-Ponty, les poètes russes…) et des parutions partagées en revues, notamment dans Les Cahiers du Chemin ou la NRF, et bien d’autres encore, car l’époque est alors féconde en publications importantes. Nourrie par les courriers et les rencontres à Paris ou Douarnenez (le fief perrosien), cette amitié se donne aussi, évidemment, sous le signe de la vie comme elle va, d’un côté et de l’autre, chacun avec sa famille. La tribu de Pachet est un quartet formé de Soizic sa femme, François et Yaël leurs deux enfants. Chez les Perros, ou plutôt les Poulot, son nom à l’état-civil, c’est un quintet : il y a son épouse Tania et leur triplette Frédéric, Jean-Marie et, donc, la petite dernière Catherine. En février 1970, Perros écrit ceci : « Il ne faut pas m’en vouloir si je me sens un peu à l’aise avec vous. Vous calmez mon impatience, qui n’aura pas de fin. Je n’arrive pas à bouffer du temps, sans avoir retrouvé l’éternité. D’où mon infantilisme intellectuel. Je souffre de rien. » Au vrai, le plus à son aise des deux dans ce commerce épistolaire (ou « épistole » selon Perros, « parlote » dixit Pachet), il nous semble que c’est avant tout Pachet. Peut-être parce qu’il voit en Perros, plus encore qu’un mentor, une manière de pater littéraire idéal. Écoutons ce que dit Gillybœuf à ce propos dans son intro : « Comme s’il se cherchait une figure tutélaire en littérature. Il ne demande pas un adoubement. Il se sent appelé vers l’écriture. Mais il en cherche encore l’accès. Il est assez curieux de se choisir, comme ‘’maître’’ ou intercesseur en littérature, un écrivain qui aura rechigné jusqu’au bout à publier, qui tient pour modèle d’écrivain un Joseph Joubert, précisément parce qu’il n’a rien publié de son vivant. »
Cette recherche d’un “père” littéraire, qui par moments touche presque au mimétisme (dans certaines attitudes ou formulations), explique sans doute pourquoi Pachet met beaucoup de lui dans cette correspondance. Comme s’il voulait se montrer digne de celui qu’il admire tant. Pas pour l’impressionner, non, mais pour susciter encore et encore son intérêt, son attention. En bon graphomane, Pachet entretient ainsi Perros de ses toujours nombreux travaux en chantier, témoignant par là-même d’une disposition intellectuelle capable de se saisir de toute matière, comme on le verra plus tard dans ses livres et articles inclassables qui raffinent la forme de l’essai. « C’est bien bon, bien heureux, de se savoir ‘’estimé’’ par un zèbre de votre encablure », confie Perros en août 1973, qui voit bien que Pachet est un précieux lecteur précis, et de son œuvre en premier lieu. Ces deux-là sont de drôles de zèbres, adoptons le mot, qui écrivent leur amitié noir sur blanc.

Anthony Dufraisse

Correspondance Pierre Pachet /
Georges Perros 1968-1978

Le Bruit du temps, 328 pages, 24

Zébrures d’épistole Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°249 , janvier 2024.
LMDA papier n°249
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