Un homme a fait le choix, pour des raisons que l’on ignore, de rejoindre dans le métro la cohorte des clochards. Là, il vit comme les autres, c’est-à-dire qu’il ne vit pas, il boit, il vomit, il tend le bras. Il essaie surtout d’échapper à un passé qui le poursuit et dont l’obsession, seule, explique qu’il veuille rester dans cet enfer urbain. Dans cet univers où l’humanité est un souvenir, il se surprend à rêver d’amour avec sa Carmen, une trisomique grasse dont usent et abusent bon nombre d’habitants des souterrains de Paris. De ce cauchemars, il tire quelques notes sur son carnet, portraits de Dédé, ancien ouvrier venu à la cloche après un accident du travail de Lecronu, grande gueule et conteur alcoolique, et des « morts-vivants », nous, vous passagers aveugles du métro. Le roman de Didier-Georges Gabily est à la mesure du monde qu’il décrit, torturé et tortueux, il ne s’offre pas comme une fille facile, il se dérobe. Et même si l’auteur, avec cette descente dans les bas-fonds de la nature humaine, se met parfois ) Thomas Bernhardiser dans les ressacs de ses phrases, il finit toujours par revenir, obstiné, à sa propre langue d’une poésie noire, lourde, glaireuse. Ce livre, c’est comme un vieux chouingomme qui colle aux godasses ; on a beaucoup de mal à s’en dépétrer, à oublier ses personnages à la Otto Dix, boursouflures humaines affreuses comme les remords dans les rêves d’un assassin.
L’Au-delà
Didier-Georges Gabily
Coll. Générations
Actes Sud
274 pages 115 FF
Domaine français La descente aux enfers
novembre 1992 | Le Matricule des Anges n°1
Un livre
La descente aux enfers
Le Matricule des Anges n°1
, novembre 1992.