A partir d’un fragment proustien, Renaud Camus offre une nouvelle version de son dandysme littéraire, individualiste et hédoniste, amoureux de l’ineffable désir des choses et des êtres. Il le fait à travers une presque véritable histoire, celle d’une famille bourgeoise et parisienne, prise dans de classiques conflits de générations : un père éditeur et farouchement attaché aux traditions de la belle langue et de la syntaxe, une mère parfaite, une fille « branchée », un fils séropositif, un autre parti au Tibet, deux châteaux et un certain snobisme bohème à entretenir avec un compte en banque peu glorieux.
Ce quotidien narré au fil de la plume est traversé de passages plus lyriques, aux consonances gidiennes, sur les villes, les fontaines, les paysages qui sont autant de fugitifs instants de pur désir. C’est léger et inconsistant, affecté et culturel, sans être toutefois déplaisant et ces moments d’évasion hors du récit sont incontestablement les meilleurs moments de ce nouveau roman de Renaud Camus qui toutefois déçoit. Non par son côté délibérement « réac » ni par sa revendication provocatrice d’être « politically incorrect » (ce qui est plutôt amusant) mais parce que l’ironie distanciée de l’auteur ne suffit pas à gommer des choses très douteuses, comme la défense, au nom de l’Art et avec des arguments bâclés (du type « l’auteur est absent », « un roman, c’est de la fiction »), d’un manuscrit antisémite écrit par un médecin des pauvres d’une sordide banlieue parisienne. On aura reconnu, bien sûr, Bardamu, Rancy et Céline ; mais pourquoi cet artifice référentiel qui ne mène à rien sinon, peut-être, à laisser supposer que l’on a besoin de s’abriter derrière un écrivain plus« carré » ?
Le voyage, ici, manque sérieusement d’intérêt. Et on regrette de ne pas y trouver ce que Barthes appelait, à propos de Tricks, cette « intensité qui passe, sans regret… (cette) façon de ne pas s’empoisser dans le désir, sans cependant l’esquiver : une sagesse en somme ».
L’épuisant Désir de ces choses
Renaud Camus
P.O.L
319 pages, 120 FF
Domaine français Poses politically incorrectes
septembre 1995 | Le Matricule des Anges n°13
| par
Michèle Weinberger
Un livre
Poses politically incorrectes
Par
Michèle Weinberger
Le Matricule des Anges n°13
, septembre 1995.