Le Lecteur
C’était une belle maison d’édition, soignée et curieuse. L’Anatolia a subi, à l’automne dernier une liquidation judiciaire. C’est un beau mensuel, à la mise en page élégante et claire. Le Lecteur est né, en février, des cendres de L’Anatolia. La métamorphose d’éditeur en directeur de la publication n’étonnera guère ceux qui ont croisé Samuel Brussell, ici ou là, un journal (de préférence étranger) toujours en poche. Cet amoureux de la presse a donc franchi le pas.Le Lecteur, immanquablement, avec son papier journal, sa bichromie de Une, évoque La Quinzaine littéraire : « Je n’y ai pas du tout pensé. Je ne lis pas La Quinzaine. Mon modèle, ce sont des journaux comme le Times literary Suplement ou le Spectator (anglais) ». Cela se traduit par une typographie très aérée, classique et sobre. Une lisibilité que l’on retrouve, et c’est là sa grande qualité, dans le contenu des articles. Pour preuve Étienne Wolff nous fait découvrir, avec quelle intelligence, l’humaniste catalan Vivés mort au milieu du seizième siècle. Maître de conférence, Étienne Wolff laisse tout jargon au vestiaire et dresse le portrait vivant d’un homme dont le père fut brûlé par l’Inquisition. Mais, cerise sur le gâteau, il ne s’agit pas seulement de procéder aux fouilles de l’histoire littéraire et d’enfermer dans un musée les idées de l’époque.Qu’il s’agisse de Vivés, ou de Juvénal, Étienne Wolff parvient à tirer de leur œuvre, un éclairage sur notre époque. On trouve là l’expression du credo de Samuel Brussell : « La voix des classiques nous parle vraiment. Les classiques nous éclairent et nous aident à voir la réalité ». On comprend, dès lors que la littérature contemporaine soit un peu minoritaire. On trouve cependant, entre autres, un article enthousiaste sur Pirotte, un égratignage respectueux de Tillinac, un hommage à Burgess. La littérature francophone n’est pas absente, mais fidèle à ses goûts d’éditeur, Samuel Brussell ne lui offre pas une place de choix.Le Lecteur s’intéresse aussi à la philosophie (Popper et Feyerabend ici) aux arts avec l’architecte Adolf Loos ou avec les belles photos de Giorgia Fiorio.
Fort de cette idée que « les gens sont intimidés par la culture qui les prend de haut » Le Lecteur ouvre une fenêtre éclectique sur le monde.Une fenêtre qui, dans le numéro de mars, éclairera les portraits de V.S.Naipaul, Queneau et Gombrowicz. Tiré à 28 500 exemplaires, il faut souhaiter au Lecteur de trouver ses lecteurs. Et inversement.
Le Lecteur 24 pages, 15 FF - Abt 12 numéros : 150 FF
BP 2030 34 024 Montpellier Cedex 1