Avec cent soixante titres à son catalogue (à raison de deux nouveautés chaque mois), Alain Martin garde le cap de sa maison d’édition malgré les tempêtes et les orages. Et se prépare tranquillement à fêter dix ans d’édition.
Celui qui a tout compris du sens de la vie, c’est le chat d’Alain Martin. Alors que ses maîtres pianotent sur leurs ordinateurs et répondent au téléphone, le chat, lui, dort. Il faut dire que le lieu s’y prête. Sise à Castelnau-le-Lez dans la banlieue bourgeoise de Montpellier, la demeure où vivent Alain et Françoise Martin se divise en deux parties : sur la gauche en entrant, s’ouvrent les bureaux de la maison d’édition. Dans la première pièce, imprimantes, ordinateurs et scanner tournent le dos à une longue bibliothèque où s’alignent, par ordre d’apparition au monde, les ouvrages publiés ici depuis 1988. Plus loin, un autre bureau, où s’empilent les romans de Jorge Semprun : l’éditeur s’apprête à publier un essai sur l’auteur de L’Écriture ou la vie et il vérifie les informations de son auteur. Sur la droite de l’entrée, c’est le coin privé. Le royaume du chat qui, pattes en l’air, le corps étiré sur le divan, rêve des chauds jours de l’été où la piscine, dehors, et l’olivier à côté, lui offriront une fraîcheur bienfaitrice. Il faut une certaine conviction pour, en un lieu pareil, passer son temps devant les ordinateurs, les manuscrits et les factures. Certains parleront de passion.Pourtant, à l’origine, la passion d’Alain Martin ne le portait pas vers la littérature. Né en 1941 à Gap dans les Alpes Maritimes, Alain Martin se destinait plutôt aux métiers du cinéma. Abonné à la revue Positif, que publiait Le Terrain Vague d’Éric Losfeld, il monte à Paris à 19 ans avec le désir de jouer la comédie. Il se rend chez Losfeld pour proposer de venir chercher lui-même chaque numéro de la revue auquel son abonnement donne droit. Et comme il n’a pas de travail, il demande si par hasard… Losfeld lui proposera un poste de « vendeur-emballeur » et c’est à la librairie du Terrain vague, rue du cherche-midi, qu’Alain Martin fera ses premiers pas dans le milieu du livre. « Plein de choses se sont révélées alors. Là, j’ai découvert le surréalisme et le fantastique que j’ignorais totalement. » Le lieu aussi a son importance : la maison d’édition est également une librairie où viennent beaucoup d’habitués. « C’était intéressant de voir à qui on vendait les livres que la maison publiait. Les gens venaient faire leurs commentaires. Il régnait une ambiance un peu club. ». Au milieu de cela, le vendeur-emballeur a l’impression qu’on ne parle que de livres à jamais inaccessibles pour lui. Comme ce Locus Solus du dénommé Roussel dont un jour Éric Losfeld, « qui était d’une grande générosité », lui fait cadeau parce que le livre dépasse du rayonnage. c’est une révélation. Losfeld, très souvent, offrait ainsi des livres. D’où la découverte aussi de Sade avec la Philosophie dans le boudoir dont le volume, également, dépasse des rayonnages....
Éditeur Climats : la passion pour surmonter la tempête
juillet 1997 | Le Matricule des Anges n°20
| par
Thierry Guichard
Un éditeur