40 ans, Tchekhov, auteur célèbre et fatigué, victime de toux de plus en plus violentes, ne cache plus son dégoût du théâtre après l’échec de La Mouette. De huit ans son cadet, Gorki, vagabond débordant et impétieux, n’a pas encore écrit Les Bas-Fonds et c’est en élève, avide de la parole du maître, qu’il s’adresse à son aîné. Au début du siècle, entre Yalta et Nijni, ils échangeront une volumineuse correspondance que seule la mort de Tchekhov, quatre ans plus tard, interrompra.
Au coeur des débats : la littérature, le théâtre et la Russie. Devant cet immense empire misérable et à bout de souffle, à l’aube de la première révolution, Tchekhov, qui exerça comme médecin avant de choisir définitivement la plume, conçoit l’écriture comme une véritable mission. « Quand nous aurons montré l’homme à lui-même tel qu’il est, croyez-moi, il deviendra meilleur, tout simplement. » Compassion à laquelle semble répondre une violente lettre de Gorki à ses admirateurs, publiée dans le journal d’époque : « Vous, vous cherchez quelque chose pour alimenter la conversation, pour distraire les invités… Mais moi, moi ce que je veux c’est créer au moins une petite illusion qui élève l’âme, qui embellisse la vie ! Quelles belles et bonnes actions songez-vous à accomplir sous l’effet de mes récits ? Votre âme reste molle et tiède comme un ÉDREDON ! »
Évelyne Loew a opéré des coupes franches dans la masse pour extraire l’essentiel de cette relation épistolaire. En quelques pages, elle parvient à restituer une belle fraternité d’auteurs, si différents de vécus et de styles, mais pourtant unis dans une même conscience au monde, à la charnière du siècle. L’hommage leur redonne vie.
Maïa Bouteillet
Gorki-Tchekhov 1900
Evelyne Loew
Actes Sud-Papiers, 45 pages, 55 FF
Théâtre Maître et élèves
juillet 1997 | Le Matricule des Anges n°20
| par
Maïa Bouteillet
Un livre
Maître et élèves
Par
Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°20
, juillet 1997.