Les Miettes de décembre pourrait être un roman. On suivrait le parcours de Catherine, la fille, de sa naissance à l’âge adulte, à travers les yeux d’Émilie, la mère. Mais Ariane Dreyfus, née en 1958, dont c’est le troisième ouvrage, déchire la narration, transformant le roman potentiel en une suite de petits éclats, proches du poème. Le texte est en miette et le silence, entre chaque bribe, installe la distance nécessaire. Le poète garde juste ce qu’il faut.
On prend part au désordre, qui tient grâce aux blancs ménagés entre chaque texte. Courts dialogues, assez proches des derniers travaux de Louis Calaferte « - Tu pleures, Maman ? - Mais oui. Allez ma chérie, va courir ! », phrases-valises qui mettent la langue à mal « Bientôt il n’y aura qu’une voix pourra se cacher », Ariane Dreyfus conserve l’essentiel et la simplicité touche parfois à l’éblouissement : « Mais le coeur est une terre sans cesse labourée/ Et rien qui dure qui soit l’été longtemps. » Elle a trouvé ses voix. L’écriture comporte une multitude de registres, qui font la singularité de Les Miettes de décembre.Certains seront sans doue rebutés par la discontinuité mais, paradoxalement, c’est elle qui donne sa cohérence à l’ensemble. Émilie et Catherine se débattent, inséparables, dans une fusion où la figure du père est absente. Le livre entier est à l’image de ce « donne-moi la main que je te tienne » où mère et fille semblent s’approprier le même je, parler d’une voix unique.
Les Miettes de décembre
Ariane Dreyfus
Le Dé bleu, 96 pages, 78 FF
Poésie Un roman en morceaux
juillet 1997 | Le Matricule des Anges n°20
| par
Benoît Broyart
Un livre
Un roman en morceaux
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°20
, juillet 1997.