Le narrateur de ce premier roman -à l’identité résolument incertaine- (« en ce moment je m’appelle Anthony Smart ») n’est pas à proprement parler un héros. Ni un excentrique (à moins d’habiter à Neuilly ou place de la Concorde) : il roule en cyclomoteur, adore les sucettes Chupa Chups, écoute Ennio Morricone et les tubes de discothèque, raffole des reality shows et de James Bond. Pas d’amis, ni d’ennemis, juste une copine nommée Albator qui entretient une curieuse correspondance avec le biographe de Munch. Ce jeune homme appartient à cette petite famille d’individus qui considèrent « l’échec comme un des beaux-arts ». Traîne-misère, traîne-savates, tocard, tête à claques, il est de ceux qui se complaisent dans la faillite personnelle, mettent en scène leur déroute, liquident leurs espoirs avec des armes d’enfant. Il passe son temps à faire l’intéressant (« Je faisais de l’esprit parce que je manquais de coeur »), simule des syncopes dans la rue, verse du bain moussant dans l’aquarium à la fin des soirées, drague les filles avec autant de succès que lorsqu’on chasse les papillons avec un filet percé. Le pastiche devient un moyen de survie. Peu sûr de lui, il s’identifie à Howard Hugues, Marc Bolan, Maurice Ronet, Droopy. « J’ai tellement de mal à diriger ma vie qu’il vaut mieux que d’autres s’en chargent ».
Petit vade-mecum à l’usage des bien-portants et qui souhaitent le rester, Fiasco est un livre léger, bien écrit, doucement impertinent. Ce loser -comme tous les losers- est sympathique et il faut avouer que quelques mots bien ficelés lui donne un peu d’épaisseur.
« L’existence est un smoking de location, elle n’est jamais à notre taille » ; « À force d’avoir mis de la distance entre moi et les autres, j’ai fini par me perdre de vue. »
Pour le reste, une désagréable impression de déjà lu. Fiasco devrait séduire les potaches en mal d’identité et les organisateurs de bizutages à la recherche de gags raffinés. Mathieu Terence a 25 ans et a dû beaucoup lire Cioran. La publication de ce premier roman était peut-être nécessaire. « Je m’aperçois que je suis perclus de manies et que toutes ces manies ont une même cause : mon incapacité à devenir adulte. » Après avoir liquidé son adolescence et percé ses derniers boutons, le voilà peut-être guéri.
FiascoMathieu Terence
Phébus124 pages, 89 FF
Premiers romans Petits fours réchauffés
novembre 1997 | Le Matricule des Anges n°21
| par
Philippe Savary
Un livre
Petits fours réchauffés
Par
Philippe Savary
Le Matricule des Anges n°21
, novembre 1997.