Dès les premières lignes de Lalla (ou la Terreur) on songe à Physiologie d’un accouplement, premier roman de Didier-Georges Gabily (1988, Actes Sud) en deux parties, Genèse et Le Péché, qui commence par ces mots : « Et tout d’abord c’est une femme ». Femme infanticide dans les deux cas. Une fille de ferme qui met au monde et aussitôt étouffe dans la paille de l’écurie « cette chose qui criait », chose sortie d’elle, aussi étrangère que celle qui neuf mois auparavant était entrée violemment en elle. Lalla, étrange femme mutique et personnage révélateur qui viendra semer le trouble et l’ordonnance du groupe.
Ecrite il y a plus de quinze ans, en réaction au théâtre du quotidien, et publiée finalement à titre posthume, Lalla (ou la Terreur) prend aujourd’hui, dans la globalité de l’œuvre de Gabily, valeur d’origine et confirme rétrospectivement un vrai parcours d’auteur. Dans la préface datée d’avril 1996 et intitulée « Revenir sur les lieux », Didier-Georges Gabily le dit lui-même : « il y a dans Lalla tous les thèmes formels et de fond qui m’obsèderont des années durant. Ils y sont. Encore mal foutus. Mal dégrossis ». L’écrivain hésite encore (déjà) entre théâtre et roman à travers des didascalies qui n’en sont pas, supposant un chœur qui plus tard tiendra une place fondamentale dans ses mises en scènes.
Derrière cette histoire de bande retranchée dans l’attente d’un hypothétique assaut final – « dehors n’existe que pour ceux qui peuvent se le payer » écrit encore Gabily – Lalla, celle qui seulement dit « je suis là », traite d’une exclusion plus profonde et touche à la question d’une présence/absence au monde. Et donc du théâtre.
Lalla (ou la Terreur)
Didier-Georges Gabily
Actes Sud-Papiers
66 pages, 70 FF
Théâtre Genèse d’une oeuvre
septembre 1998 | Le Matricule des Anges n°24
| par
Maïa Bouteillet
Un livre
Genèse d’une oeuvre
Par
Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°24
, septembre 1998.