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Entretiens L’effet papillon noir

septembre 1998 | Le Matricule des Anges n°24 | par Dominique Aussenac

S’imposer des contraintes monumentales pour mieux parler de manque, d’amour et de mort, tel est le cheminement paradoxal et jubilatoire d’Alain Monnier. Rencontre avec le père de Parpot.

Côté jardin

Fonctionnaire dans une chambre de commerce de la région toulousaine, Alain Monnier écrit des lettres pour les autres, maîtrisant les subtilités de la ponctuation, les infimes nuances de la syntaxe, les toutes discrètes fantaisies de la langue de bois. Travail de l’ombre, contraignant, fastidieux, périlleux où un mot déplacé peut faire échouer des négociations économiques, internationales importantes. Pour se libérer de cette tâche assez ingrate, ce quadragénaire d’apparence frêle, fragile, un peu dilettante s’impose des mortifications facétieuses : des exercices de style singuliers, proches de l’Oulipo, jamais mécaniques ni rebutants qui privilégient lisibilité et interactivité avec le lecteur. Ces deux premiers romans épistolaires Signé Parpot et Un amour de Parpot comportaient uniquement des supports écrits tels que des tickets de métro, quittances de loyer, factures, publicités, lettres administratives, etc… Alain Monnier aime à souffler sur les infimes braises de cette littérature morte pour aller au plus près de l’émoi, pour parler d’amour et de mort dans des romans noirs, étouffants où les héros, prisonniers dans leurs corps, hémiplégiques sur fauteuil roulant ou encore tétraplégiques muets sur lit d’hôpital sont toujours pris dans l’œil du cyclone de vengeances terribles. Pour son dernier ouvrage, Côté Jardin, le héros Lalanne rencontre l’amour fou en déclamant du Pessoa, la nuit, autour des fontaines de la ville rose jusqu’au moment où, opéré par un curieux chirurgien, il perd mobilité et usage de la parole. Les bribes de conversations qu’il arrive à capter de sa chambre d’hôpital permettent au lecteur de reconstruire un scénario où horreur, folie, poésie et légèreté font bon ménage.

Après les romans épistolaires, vous vous imposez une nouvelle contrainte, en ôtant la parole à votre héros, dès le premier tiers du livre…
Par rapport aux deux premiers romans, j’avais envie de changer et de me prouver que je pouvais raconter une histoire d’une autre façon. Dans les deux premiers bouquins, la contrainte était de ne mettre que des traces écrites qui compilées devaient raconter une histoire. Là, je me suis pris au jeu en me disant imaginons que le héros disparaisse d’une certaine façon tout en étant présent, mais ne puisse plus du tout s’exprimer au-delà de la page 30. Et ce sont tous les gens qui le connaissent, qui viennent lui parler, lui ne pouvant pas répondre, qui vont créer l’histoire. Ce n’était pas du tout évident à certains moments. Il me semble que de ces contraintes naissent des récits un peu plus originaux.
La vengeance est un élément récurrent de vos trois ouvrages !
Je ne l’ai remarqué qu’après. Mes trois bouquins fonctionnent sur la vengeance à partir de l’amour. Il y en a un qui met en scène un chevalier servant qui va venger sa belle. L’autre, c’est un amoureux éconduit qui va vouloir se venger et là, c’est le psychopathe fou qui se venge d’un amant éventuel. C’est vrai que le héros est mis...

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