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Domaine français Abeilles et mausolées

août 1999 | Le Matricule des Anges n°27 | par Nathalie Dalain

Maryline Desbiolles retrace l’existence figée de vieillards oubliés de tous, prisonniers de leur propre mémoire. Dans la chaleur vacante.

On se souvient de l’excellent ouvrage La Seiche, paru l’an dernier. Maryline Desbiolles nous propose à présent une rencontre à la croisée des destins. Son style, de plus en plus vif et précis, lui permet d’affırmer ses talents descriptifs, tout en brossant un tableau intimiste d’une grande acuité. C’est en rase campagne niçoise qu’elle nous emmène, dans cette « vaste étendue de pays découvert mais fermé comme une huître ». Là où la chaleur sait être accablante, là où la lumière est trop blanche, et la désolation absolue. Construit en courts chapitres, nommés par des expressions relatives au mot « campagne », (« Battre la campagne », « Faire campagne »…), le roman découvre peu à peu le versant caché par les broussailles. À l’entrée du chemin rocailleux, seule se dresse une « stèle commémorative », témoin d’un drame passé, anecdotique. Un simplet y fut fusillé autrefois par les Allemands, presque par erreur. Depuis, elle trône, comme pour « annoncer leur mort prochaine » aux Sasso, à la Thomas et à Anchise. Qui vivent eux aussi, finalement, presque par erreur. Ces « vieilles gens », isolés, ne communiquent même plus entre eux. Ils restent là, au milieu des lézardes des murs, statiques dans leurs rituels quotidiens, extatiques devant leurs souvenirs. Érosion des pierres, excoriation des âmes. Trois maisons, trois histoires. Qui se tressent au long de l’ouvrage.
Les Sasso, l’épouse au sourire idiot, le mari bourru et méfiant. La Thomas, conservant intactes les habitudes restrictives de son défunt mari. « Elle ne pense pas aux enfants qu’elle n’a pas eus, (…) elle ne pense pas à (son) aridité (…), terres vaines dit-on des terres incultes, elle ne pense pas aux amis qu’elle n’a pas. ». Elle donne juste « les fameux coups, incompréhensibles et bruyants à la fenêtre, peut être comme on crie qu’on est encore vivant ». Anchise, mystérieux et esseulé, a aussi son secret, qu’il protège, chérit et nourrit d’une léthargie profonde. Le bourdonnement des abeilles protégeant son sommeil. Car Anchise dort. « Quelquefois même il croit qu’il ne s’est jamais réveillé pour de bon depuis que sa femme est morte ». Anchise est habité par le deuil. La Première Guerre lui a ravi son père, et lorsqu’il rentra de la Seconde, la fièvre typhoïde avait fauché sa jeune épouse. La Blanche, comme on l’appelait, était peut-être enceinte. Depuis, Anchise est frappé de stupeur, comme si la maladie l’avait contaminé. Et « s’il eut fallu croire absolument à quelque chose, il n’aurait cru qu’à cette nuit qui s’était, comme un pus, instillée en lui, dans ses membres, dans sa bouche, sous ses paupières, dans ses oreilles ». C’est en cela que consiste le sommeil d’Anchise : « il ne voyait, n’entendait qu’à travers elle qui affadissait, assourdissait, corrompait toute chose ». Dans cette opacité devenue immuable, il vit avec cette morte fluette en son sein, aux os frêles, mais dont le poids n’en est pas moins d’une lourdeur implacable. Il recompose sa mémoire, luttant contre le flou des images restituées, luttant contre l’oubli. Anchise, au mausolée, à parfois des cauchemars : « Il lui arrivait de penser que l’enfant avait continué de vivre un peu au dedans de la morte et qu’il avait été inspiré tout vivant par cette énorme nuit sous terre, dans le ventre pourrissant de la mère ». Le vieil homme fait un transfert avec cet hypothétique embryon, et se met à redouter la mort, lui qui pourtant n’est pas au monde. Lui pour qui « la vraie vie est dans l’incandescence » saura y remédier. Avec une flamboyance aussi extrême que l’est la prose de son auteur.

Anchise
Maryline Desbiolles

Le Seuil
123 pages, 75 FF

Abeilles et mausolées Par Nathalie Dalain
Le Matricule des Anges n°27 , août 1999.
LMDA PDF n°27
4,00