Renée a quatre-vingt-trois ans et plus grand-chose à espérer de la vie. Veuve, sans enfants, sans amis, il ne lui reste qu’à contempler la déroute de son corps et à ressasser une existence gâchée. Pourtant Renée se voir offrir une seconde, ou plutôt une dernière chance. Celle-ci se présente un dimanche matin, au sortir de la messe, sous les traits d’un beau jeune homme qui ne semble rebuté ni par la vieillesse, ni par la solitude, ni par la laideur. De bonjours en invitations à boire un verre, Renée retrouve l’émoi et le désir. Malgré ses fausses dents, son œil bigle et ses chairs avachies, elle s’émeut comme une collégienne, et espère : de l’affection, des caresses, du sexe. Lucide, la vieille femme sait que ses bijoux et ses meubles signés sont à l’origine de l’intérêt du jeune homme, mi-voyou mi-archange. Mais à son âge il faut savoir tirer parti de tout ce que la vie daigne vous offrir. Même vénal, un peu d’amour est bon à prendre. Et puisqu’un soir le jeune homme l’a regardée, nue, et lui a fait l’amour sans dégoût, Renée renoue avec la vie. Emmanuelle Bayamack-Tam ne prend pas de gants pour décrire ce qu’aujourd’hui tout le monde se plaît à ignorer : la vieillesse, la solitude, le dépérissement, la mort. Ses mots violents, crus, implacables disent les seins affaissés, les membres roides, la peau malodorante. Elle nomme nos peurs de vivants condamnés à la mort et nous force à regarder en face ce que nous serons. Heureusement ce roman sur la vieillesse est aussi un roman sur la vie. Car Emmanuelle Bayamack-Tam sait faire éclater avec justesse la révolte de celle qui ne peut s’habituer à ce que son corps devient. La colère d’une femme qui n’a connu ni l’amour ni la maternité, et qui voudrait goûter, fusse au seuil de la mort, la saveur du bonheur et de la liberté.
Pauvres morts
Emmanuelle Bayamack-Tam
P.O.L
192 pages, 90 FF
Domaine français L’amour à tout prix
mars 2000 | Le Matricule des Anges n°30
| par
Karine Motch
Un livre
L’amour à tout prix
Par
Karine Motch
Le Matricule des Anges n°30
, mars 2000.