Dans une banlieue pauvre d’Istanbul, une jeune femme semble près de succomber sous le poids de l’oppression de son mari conjuguée à celle de la société turque. Sa vitalité la pousse à tenir un journal qu’elle destine à ceux qui, n’étant pas du même pays, ou pas du même milieu, ne sauraient imaginer la dureté d’une telle existence.
Nalan Türkeli nous décrit méthodiquement sa vie. On apprendra qu’elle fume et ne peut pas renoncer à ce petit plaisir solitaire et, beaucoup plus loin, qu’elle crache du sang.
En fait, toute sa situation personnelle s’inscrit dans un contexte de croissance d’une économie balbutiante et de luttes féroces entre laïques et islamistes.
À trente-cinq ans, Nalan vit avec son mari et ses deux garçons dans une modeste bâtisse édifiée clandestinement à la va-vite, sans confort. On appelle ces constructions des gecekondu (« posés la nuit »).
Elle a de petits boulots, elle rêve d’une autre vie et pourtant elle s’attache à ce qu’elle fait dans l’instant, surtout quand c’est pour les autres. Face à son mari, chômeur et joueur, le mépris se mêle de tendresse, mais il n’y entre plus le moindre désir, tout rapport est une concession faite de guerre lasse. Devant ses fils, elle souffre de ne pas avoir de réel pouvoir d’éducation. Cette femme a une désespérante conscience des manques de son éducation et une horreur de son statut dans une société machiste.
Jusqu’à la religion : croyante malgré tout, elle aspire à une vie meilleure et porte en elle une part de révolte.
L’intérêt de ce témoignage diminue hélas ! lorsque l’auteur veut expliquer les causes de ce malheur, son discours politique, qui n’est pas sans fondement, reste d’une irritante banalité.
Une femme des gecekondu
Nalan Türkeli
Traduit du turc
par Oya Delahaye
Éditions du Toit -192 pages, 85 FF
Domaine étranger Femme posée la nuit
avril 2001 | Le Matricule des Anges n°34
| par
Jacques Goulet
Un livre
Femme posée la nuit
Par
Jacques Goulet
Le Matricule des Anges n°34
, avril 2001.