Java N°21-22
Sans doute un peu nostalgique d’un geste poétique clairement révolutionnaire, Christian Prigent s’en prenait dans Salut les anciens, salut les modernes (P.O.L, 2000) à la « jeune poésie », en pointant ses faiblesses : paresse théorique et politique, formalisme de surface, repli sur des narcissismes stylistiques, etc. Il y déplorait aussi le tournis d’une certaine interchangeabilité des noms et des textes aux sommaires des revues. Si l’on pouvait être un peu frustré par cette charge polémique, on ne trouvera pas pour autant pleinement son compte dans la contre-attaque en éditorial du dernier numéro de Java. Dans un « fax-simulé » d’une lettre de Christian Prigent, les animateurs de la revue pointent avec justesse quelques défauts dans la cuirasse de l’assaillant : attachement à des dichotomies caduques, réflexion sur le corps un peu exclusivement bataillienne… Le ton de cette réponse cependant est trop vengeur, trop crispé encore sous le coup de l’attaque, pour donner l’amplitude nécessaire à la réflexion. Se donnant pourtant pour but de réévaluer les apports précédents, Jean-Michel Espitallier, Vannina Maestri et Jacques Sivan construisent depuis douze ans les sommaires de Java sur le terrain d’une avant-garde chercheuse, joueuse, curieuse -à signaler notamment des dossiers sur Valère Novarina, Olivier Cadiot, Denis Roche, Ghérasim Luca… Ce foisonnant numéro s’ouvre sur un dossier consacré par la poétesse américaine Stacy Doris à « quelques-uns de ses contemporains ». Une douzaine d’auteurs nés dans les années soixante y sont présentés. Citons Tim Davis dont la poésie s’appuie « sur des glottiques, des humeurs, situées à peu près à quatre centimètres de la moelle ». Ou bien Lisa Robe