Propos de campagne N°11
La très belle revue Propos de campagne continue de dater ses numéros du nom de la saison qui les voit paraître : ce No11 affiche un « Printemps 2001 » qui fait suite, au « Printemps 2000 » du numéro précédent et à l’« Été 1999 » du No9. Cette volonté d’être saisonnière qui s’affiche n’y fait rien : Propos de campagne paraît une fois l’an. Cette lenteur est compréhensible pour plusieurs raisons : d’abord parce que l’objet est beau et qu’il y faut du soin et de l’attention. Mêlant l’art à la littérature, les pages s’adaptent à ce qu’elles proposent : papier glacé ou bouffant, quadri ou noir et blanc, mise en page sobre des textes. Ensuite parce qu’il faut du temps, probablement, pour rassembler toutes les contributions autour du thème choisi. Ils sont ainsi dix-huit écrivains et artistes à s’être mis dans cette nouvelle livraison autour de « la table ». Cette richesse est aussi un défaut : certains, comme Régine Detambel, Daniel Biga ou Alexandra Bougé ne donnent à leur texte qu’une valeur apéritive. On n’a guère le temps d’entrer dans leur voix, leur rythme que de nouveaux plats nous sont proposés.
Enfin, on imagine assez bien qu’entre dans le fonctionnement de la revue une exigence d’hôte : il s’agit de bien accueillir ceux qu’on reçoit. Le thème de la table y invite : on ferait bien un parallèle entre la revue et un restaurant dont le chef prendrait beaucoup de temps à chercher les meilleurs ingrédients et parfois, les plus éclectiques. Et visiterait les galeries pour éclairer ses menus de quelques toiles (ici, c’est Alain Ballereau qui sème ses tables au fil des pages).
Sous sa toque, Michel Foissier (qui a succédé à Samuel Autexier à la tête de la revue) est pour cette fois allé chercher un beau texte ancien de Bernard Noël, La Table (publié la première fois en 1959) : le narrateur fait une expérience existentielle au contact des objets dont une table de bistrot et touche au sentiment d’exister en même temps qu’à celui de disparaître. Autre belle contribution, celle du musicien Alain Lambert qui s’est intéressé, évidemment, aux tables des instruments à cordes (violons, violoncelles…). Les photos qui introduisent son texte érudit et amoureux nous font véritablement voir « les veines » du bois. L’intelligence se nourrira de l’entretien que le designer Martin Szekely a accordé à Aleksandra Kroh : il y a là de quoi alimenter toute une réflexion sur l’art et l’industrie, l’esthétique et l’usage. C’est passionnant. Enfin, une note particulière nous vient d’Allemagne où Ena Lindenbaur croque comme en un journal intime, les petits déjeuners qu’elle prend. Il y a là une fraîcheur que rehaussent encore ses toiles très colorées proposées en doubles pages.
Au guide Michelin des revues littéraires, Propos de campagne mérite ses trois étoiles.
Propos de campagne No11
125 pages, 140 FF (21,34 €)
(MJC Allée de Provence
04100 Manosque)
T. G.