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Domaine français Impasse algérienne

décembre 2001 | Le Matricule des Anges n°37 | par Franck Mannoni

Mourad Djebel, qui a vécu en Algérie jusqu’en 1994, livre un texte puissant sur la vie d’une jeunesse confrontée à la barbarie et à l’insécurité permanente.

Plonger dans le roman de Mourad Djebel, Les Sens interdits, c’est accepter de revenir sur des années de massacres sanglants dont les commanditaires ne sont pas encore clairement définis. En France, loin du danger, il serait facile de se laisser gagner par la compassion ou une indignation bon teint. Seule l’émotion que suscite la lecture du livre permet pourtant une véritable prise de conscience. Sans juger, Mourad Djebel a entrepris de définir les responsabilités. Il n’envoie pas les coupables devant les tribunaux, mais parle tout simplement de la vie des gens et des petites lâchetés qui font, par négligence, les grands drames.
À Constantine, Maroued pleure la disparition de Yasmina, mais aussi celle de plusieurs de ses amis. Lorsque la parole est muselée dans la vie de tous les jours, qu’elle s’enlise après des années de pression sociale, se confier sur la révolte n’est pas facile : « ce qui l’entourait -cette guerre larvée contre toute forme de vie et de liberté- avec son contingent d’annonces macabres de cadavres, de meurtres au quotidien de gens qu’il admirait, était aussi en quelque sorte irréel, puisqu’il n’avait jamais pu s’y faire et le vivre en tant que réalité, il le vivait plutôt en tant que cauchemar ».
Mourad Djebel, qui cite Kateb Yacine dans son exergue, signale d’emblée ses références. Considéré comme l’apôtre de la liberté de penser et d’agir, refusant toute étiquette, l’auteur de Nedjma demeure pour beaucoup le symbole du respect des droits essentiels. Ces positions lui valurent beaucoup d’ennemis, notamment des représentants religieux, qui ne manquèrent pas de faire entendre leur voix à sa mort, refusant de le voir enterré en Algérie, refusant de le voir inhumé dans un cimetière musulman. La foule en décida autrement. Kateb Yacine est peut-être ce « poète excommunié », souvent convoqué dans le roman lorsqu’il s’agit d’évoquer les persécutions et l’intégrisme.
Lancé à corps perdu dans ce merveilleux témoignage, Djebel additionne les pièces à charge avec une conviction jamais démentie. Il décline ses arguments et fustige « les pères et leur machisme notoire, leur complaisance à l’égard de l’ordre (…) qui les a figés dans des postures de patriarches anachroniques, refusant par la violence de céder une part de leur pouvoir ». Mais aussi les étudiants pas assez conscients de leur rôle dans la société. Et tous ceux qui, « troquant à présent l’after-shave contre le musc (…) se parent, par le biais d’une pitié de circonstance, de l’illusion de la respectabilité (…) prêts à pactiser non seulement avec Allah mais avec tous les diables, pourvu que cela rapporte un sou de plus (…) arborant la barbe comme la meilleure garantie d’arriver à leurs fins ». Ses coups de boutoir trahissent l’envie de comprendre, de raconter et de changer les choses par l’écriture, sans pour autant balayer tous les doutes. « Est-ce que tu crois qu’on pourra un jour transmettre tout ce qu’on est en train de vivre à quelqu’un qui ne l’aura pas vécu ? (…) Tu sais, c’est une histoire simple. Trois jeunes gens qui scellent quelque chose dans une révolte urbaine qu’ils voulaient ou croyaient renaissance. (…) Une histoire banale en somme, si ce n’est le sang qui continue à couler. » Enfin une oeuvre qui s’éloigne des analyses d’experts internationaux, une histoire d’amour et de mort admirablement contée.

Les Sens interdits
Mourad Djebel
La Différence
332 pages, 20,58 (135 FF)

Impasse algérienne Par Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°37 , décembre 2001.
LMDA PDF n°37
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