Et nous voici en train de courir, ivres d’influences, dans notre premier amour tout strié de lignes noires qui tremblotent dans les yeux de ma mère et de mon père, au pied des haies aveuglantes du parc « . Ces dernières lignes du premier chapitre donnent le ton. Le temps d’un été torride, deux sœurs, Léa, 16 ans, Janice, 10 ans, découvrent la complicité profonde des forces d’ordre et de désordre qui trament l’imaginaire amoureux comme la folie. Fascinées par Horst, leur petit cousin, jadis conçu » dans un éclat de rire « , et qui vient de resurgir après une éclipse de huit ans, elles se laissent entraîner dans son délire. » Oui, les objets m’appellent et me demandent de les déplacer, ou de les accompagner dans leurs déplacements « , des objets » qui aimeraient trouver leur vraie place dans le monde ". Les deux sœurs seront ses complices.
Aimanté par la quête de ce qui se cache sous l’envoûtante notion d’amour, ce récit donne corps aux défis, aux transgressions, aux irruptions oniro-magiques du désir ou de l’angoisse, sur fond de total désarroi parental. Autour du sentier étroit du jamais foulé s’installent un rapport inédit au monde, des rites, des secrets, magnifiquement traduits par Rose-Marie Pagnard, qui depuis Séduire, dit-elle (Éditions de l’Aire, 1985), n’a plus à démontrer qu’elle sait tout de l’univers fantasque et singulier d’une jeune fille amoureuse. De la belle ouvrage dans un domaine où il est pourtant facile de s’égarer.
Janice Winter de Rose-Marie Pagnard
Éditions du Rocher, 180 pages, 14,50 €
Domaine français Amour et idées noires
octobre 2003 | Le Matricule des Anges n°47
| par
Richard Blin
Un livre
Amour et idées noires
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°47
, octobre 2003.