La rédaction Richard Blin
Articles
Un nomadisme sauvage
S’espacer, se repenser comme une autre, tel est le paysage mental autour duquel s’organise le nouveau livre de Sophie Loizeau.
L’extravagance a du bon, surtout avec Sophie Loizeau. Extra-vagans, qui erre au-dehors nous dit l’étymologie, mais, chez Loizeau, cette errance est un mouvement d’élargissement qui tient autant du décentrement que de la divagation. Il a consisté à déplacer le poème « du côté de l’altérité », à se laisser dériver vers un autre espace mental, à sortir du huis clos de son identité pour se réinventer en tant que poète et pour découvrir une manière d’écrire en tant qu’autre. Un désir de déconditionnement, un besoin d’intranquillité, une forme de mue qui l’a conduite en Finlande, et dans la...
Mystérieusement inexemplaire
Au fil d’une parole libre d’elle-même, les proses brèves de Robert Walser diffractent la substance mouvante d’un présent muable et capricieux.
Un art du voir s’articulant autour d’une fausse naïveté de l’œil, une oreille ouverte aux discours du « temps-présent », une ironie subtile désamorçant et renversant tout jugement de valeur, une écriture qui semble d’une infinie simplicité mais qui est inimitable, et puis un invincible désir d’être insignifiant et de le rester : tout Robert Walser (1878-1956) est là. Tout son être aura été...
Un rire dans la béance des ruines
Sur fond d’apocalypse, Philippe Comar fait de l’or de la langue un bien contre l’immonde. Au-delà du bien et du mal.
Le corps d’une langue est mortel autant que la chair ou les civilisations. Mais si les langues meurent, elles ne se taisent pas tout à fait. Elles peuvent refaire surface comme nous le montre Langue d’or, de Philippe Comar, écrivain, plasticien et commissaire d’expositions.
Son roman nous plonge dans un monde d’après l’apocalypse. « Partout des vasières, des crevasses, des flaques de mazout,...
Une poétique de la relation
Dans son approche sensuelle et esthétique de « l’immensité intime », Henri Gilbert nous invite à participer corps et âme à la chair du monde.
En onze vagabondages autour de la notion d’« immensité intime » – une formule due à Gaston Bachelard qui, dans Poétique de l’espace, traque la subtile dialectique de l’espace intime et de l’espace extérieur jusque dans la façon dont ils en viennent à « s’encourager dans leur croissance » –, Henri Gilbert témoigne de la façon dont il s’est approprié cette notion, l’a expérimentée et l’a...
Les épices d’âme d’un désabusé
Il faisait de la lucidité une jouvence et professait un pessimisme radical. Les lettres de Cioran dressent, entre masque et miroir, son portrait intime.
À en croire Cioran, né en 1911, en Transylvanie roumaine, et mort à Paris en 1995, « les livres sont des accidents ; les lettres, des événements ». Il l’écrit dans Manie épistolaire, un texte de 1984, donné en ouverture du livre qui, sous ce même titre, regroupe 160 de ses lettres, écrites entre ses 19 ans et ses 79 ans, et adressées à ses amis, à sa famille, à ses pairs – Mircea Eliade, Jean...