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Domaine français Chroniques en sourdine

février 2004 | Le Matricule des Anges n°50 | par Philippe Castells

Pessimisme gracieux et humour mélancolique : Lambert Schlechter consigne avec légèreté sa « petite revanche sur la pesanteur du temps ».

Qu’est Smoky ? Un jeu de mot fumeux ? L’avatar d’un fumiste ? Un chroniqueur du brouillard ? Smoky se justifie-t-il d’une raison d’être ? Les anglicismes barbares ont-ils la faveur des francophones littéraires ? Non, Smoky existe parce que les témoins du chant du monde ont parfois des patronymes nébuleux et qu’ils ne peuvent s’appeler directement Schlechter, ce serait trop futile. Alors un nom, et pourquoi pas Smoky, cinq lettres gratuites pour faire pendant à « azerty et qwerty » qui, elles, relèvent du labeur quotidien ? Un nom fictif mais aux consonances symboliques symboles que l’auteur débusque dans chaque parcelle du jour un nom, même éphémère, cela aide à personnaliser la vie que l’on se regarde mener, cela fait se dresser l’alter ego, lui confère une existence, même passagère, mais cela ne change rien au fond et le nom alors disparaît, retourne à la poussière. Durant quelques pages l’auteur use d’un pseudonyme, l’observe puis, sans doute concluant que cet autre correspond par trop à l’original, rassuré en quelque sorte, il cesse le jeu pour reprendre un je, entité tout à la fois discrète et disserte ; le titre de ce recueil procède de cette rémanence d’une expérience littéraire brève titre éponyme d’une des quatre parties (quatre saisons), la plus courte (une douzaine de pages) composant ce recueil mais révélatrice de l’ensemble de ce qu’il nous est donné à lire : l’expression d’une sensibilité particulière, un pessimisme gracieux mâtiné d’un humour mélancolique.
Ce recueil est bâti dans un genre à mi-chemin entre journal et pensées. On peut le lire au gré des envies, des humeurs, un peu comme des haïkus (le parallèle s’avérant d’autant justifié par l’érudition orientale de l’auteur). Aucune cohérence thématique, ni narrative, définie, rien de structuré malgré le sommaire si ce n’est cette obligation quasi quotidienne de l’auteur de laisser flâner son esprit entre culture et réalité (obligation motivée il est vrai par un devoir de chroniqueur). Il s’agit d’un équilibre, un savant dosage entre la perception, au mieux désabusée, de la nature humaine et l’observation quotidienne des petits riens obscurs et incertains qui déclenchent l’improbable besoin de vivre de l’être conscient. Dans une forme de vagabondage presque onirique, Lambert Schlechter met le lecteur face à cette nécessité d’écouter les bruissements mélodieux qui couvrent encore le fracas qui menace : les pies, le sexe, la lune, un étang, Montaigne, Bossuet, la Passacaille de Bach (jouée ostinato), Calaferte (pour le sexe peut-être aussi, de même que Miller), Bourg, Des Forêts (pour son ostinato) face à l’intolérance et toutes ses manifestations, de l’anodine (si cela existe) au racisme, au nazisme, à Treblinka, aux mollahs afghans…
Les mots pour le dire eux aussi mêlent leurs origines, les jeux de mots « chiens écrasés et fées d’hivers » ou sur les sonorités abondent, le langage s’auto-parodiant venant, en quelque sorte dédramatisé le discours, de même le langage « parlé » côtoie « l’écrit », des « rien compris mais tout pigé » avec des « magnolias… cravachés par le gel », des énumérations à la Prévert telles les « choses à dire » ou des citations de Cioran (en allemand), on reste en permanence sur un fil entre la poésie et « une petite revanche sur la pesanteur du temps », ce qui fait alterner les ambiances et donc les rythmes de lecture sans pour autant ajouter de la pesanteur à la gravité des propos, et si l’évocation de Wilhelm Dreimann nous saisit, « ein guter und treu sorgender Familienvater, un bon père de famille plein de prévenance », SS qui fit pendre vingt enfants juifs trois semaines avant la fin de la guerre et n’eut jamais de compte à rendre, le chapitre qui l’évoque se termine par ces quelques mots : « Le cygne blanc, tout blanc, passera une autre fois », poésie et espoir rendus dans la conscience de l’horreur.
La conclusion de ces réflexions digressives n’aboutit en fait qu’à la constatation de l’infimité de l’être : « Le beau vertige d’être sans importance ».

Smoky
Lambert Schlechter
Le Temps qu’il fait, « Lettres du Cabardès »
130 pages, 14

Chroniques en sourdine Par Philippe Castells
Le Matricule des Anges n°50 , février 2004.
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