Révélée au début des années 70 (elle est née en 1937) par la maison d’édition Orange Export Ltd., et presque immédiatement reconnue par sa propre génération, le travail poétique d’Anne-Marie Albiach inaugure, par un vers dispersé sur la page, la tentative de fiction de ce qui se « situe au-delà de la Voix », selon ses propres mots. Ce sera encore ce qu’endure son nouveau livre, Figurations de l’image. Marquée par Edmond Jabès, surtout par la sobriété avec laquelle il pose la question du Livre et, sans doute, par André du Bouchet, pour le travail si précis sur l’espace physique de la page et de sa respiration, Anne-Marie Albiach s’en distingue néanmoins en interrogeant l’entrecroisement et les trames multiples du discours que le poème forme en avançant dans sa propre matière langagière.
Poète peu prolixe, aux livres rares et lentement construits, traductrice de Zukofsky, sa « nouvelle ouverture d’un lieu » (Jabès) sera celle de la « force d’abstraction du poème ». Toutefois, elle n’a jamais cessé de parler de l’écriture comme d’un corps, un corps qui chute ou disparaît, ou s’étend. Mais elle « opère au scalpel dans un lexique dégraissé » (Jean Frémon)*, elle évite que la théâtralisation du corps, de l’écriture, s’épanche et en dise de trop. Figurations de l’image continue à dessiner l’espace contradictoire et réservé d’un théâtre de la Voix, espace d’où elle peut s’élever d’avoir été interdite, coupée par ses syncopes. Sans nier une dimension mystique, cette poésie, tendue comme une géométrie, contourne l’évidence du dire, pour toucher dans les mots l’ « éblouissement/ circonscrit ou aléatoire de la récidive et l’air/ s’irradie : bouche fermée. »
* la revue CCP lui a consacré un dossier dans son N°5/2002.
Figurations de l’image de Anne-Marie Albiach
Flammarion, 106 pages, 15 €
Poésie Le désir d’abstraction
juin 2004 | Le Matricule des Anges n°54
| par
Emmanuel Laugier
Un livre
Le désir d’abstraction
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°54
, juin 2004.