La galaxie des amoureux de la littérature abrite en son vaste sein une famille un peu à part : une communauté de passionnés pour qui les livres sont bien sûr des portes qui entraînent dans le monde de l’imaginaire, du savoir, de la poésie, mais aussi (on n’a pas dit surtout) des objets hautement sensuels, désirables, que l’on regarde, que l’on hume et que l’on caresse. Qui procurent du plaisir avant même qu’on les ait ouverts. C’est pour eux, ces inconditionnels du bel ouvrage, qu’œuvrent Emmanuelle et Thierry Boizet, créateurs et artisans des éditions Finitude, maison née véritablement au printemps 2002, moment crucial d’une histoire commencée presque dix ans auparavant. Une histoire qu’ils nous content avec précision et simplicité dans leur appartement, situé dans un quartier résidentiel de Bordeaux. C’est là qu’ils vivent et qu’ils travaillent. Les éditions Finitude occupent une seule pièce : un bureau équipé d’un Mac, des étagères remplies de livres. L’entretien se déroulera sur une terrasse baignée par la lumière de l’été imminent, scandé par les irruptions joyeuses de la petite Marie, fière de montrer les dessins qu’elle exécute en série. Dans la pièce à côté, Pierre, 6 ans, attend avec impatience le début du match de football : ce soir-là, l’équipe de France affronte celle de Croatie.
Lorsque incidemment on évoque la « philosophie » ou encore la « stratégie » de leur maison, Emmanuelle et Thierry ouvrent de grands yeux et rient de bon cœur. Ils ne revendiquent pas de ligne éditoriale précise, juste le désir de publier de bons textes et de faire de beaux livres. Chez eux, « pas de plan de carrière ». Rien (ou presque) ne les prédisposait à être ce qu’ils sont aujourd’hui. Mais si l’existence de cette petite maison doit beaucoup à des concours de circonstances sur lesquels on reviendra, on perçoit sans peine la cohérence du parcours de ces jeunes éditeurs, tous deux âgés de 35 ans. Emmanuelle est landaise, née à Mont-de-Marsan. Elle est issue d’une famille de collectionneurs d’art. Chez elle les livres étaient omniprésents et son grand-père, Jacques-Marie Dupin a écrit plusieurs ouvrages, publiés chez William Blake & Co. Elle a fait des études de droit et d’histoire de l’art qui auraient dû la mener au métier de commissaire-priseur. Thierry, lui, est originaire de Verdun, dans l’Est de la France. Né dans un milieu modeste, il a poursuivi à Metz des études d’ingénieur en mécanique. Son diplôme en poche, il a rejoint Emmanuelle à Bordeaux. Les deux jeunes gens se sont retrouvés sur le marché du travail en 1992-93, période notoirement difficile. « Il n’y avait de boulot pour personne, se souvient Thierry. On a passé un an au RMI et là, on s’est dit qu’il fallait faire quelque chose. Pourquoi pas monter une librairie de livres anciens puisque ça nous plaisait à tous les deux ? » Ce rêve, ils le caressaient pour plus tard, une fois qu’ils seraient bien installés dans la vie professionnelle. La réalité les a poussés à anticiper les...
Éditeur Beaux débuts de Finitude
Jeune maison aux livres intemporels, Finitude est née un peu par hasard et beaucoup par amour. Emmanuelle et Thierry Boizet, éditeurs passionnés, conçoivent patiemment un catalogue de très haute tenue, où domine une littérature française méconnue du grand public.