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Théâtre Écrits jazz

juillet 2005 | Le Matricule des Anges n°65 | par Laurence Cazaux

Koffi Kwahulé nous offre deux pièces violentes et musicales pour « fendre l’âme du silence ».

Misterioso-119 (suivi de) Blue-s-cat

Koffi Kwahulé livre ici des pièces presque jumelles dans leur thématique et leur construction. Elles sont toutes deux absolument musicales, leur titre en témoigne, et structurées par deux morceaux légendaires de jazz, « Misterioso » de Thelonious Monk (Monk, l’idéal d’écrivain selon Koffi Kwahulé) et « What a wonderful world » par Louis Armstrong pour Blue-S-cat (le scat étant une technique d’improvisation vocale à partir d’onomatopées). Les deux pièces ont pour décor un univers clos, des espaces sans fenêtre, une prison de femmes pour Misterioso-119 et un ascenseur en panne où un homme et une femme se retrouvent prisonniers dans Blue-S-cat. Enfin, elles mettent en jeu la pulsion de meurtre dont l’origine pourrait se trouver dans un besoin d’amour non assouvi ou non assumé. « La première fois que sa caresse m’a effleurée, j’ai senti que j’étais un désir qui n’avait jamais servi » dit une voix de Misterioso-119.
En même temps, dans les deux œuvres, le lecteur distingue difficilement ce qui est de l’ordre du fantasme ou de la réalité, les meurtres (d’un amant, d’un bébé, de trois intervenants extérieurs en prison dont un intervenant théâtre rien que pour la première pièce) pouvant donner lieu à une orgie et un partage du corps digne d’un conte cruel ou d’une scène d’eucharistie.
Le rapport intime au jazz dans le processus même de l’écriture est bien évoqué dans la préface par Gilles Mouëllic : « La composition de Monk commence par quelques notes jouées au piano, notes à la fois évidentes par leur régularité rythmique et mystérieuses par les silences qui semblent les tenir à distance les unes des autres, telles de formidables ellipses. Ce sont les premières secondes de cette mélodie de dissonances, de cette succession de sons séparés par des béances, qui sont à l’origine du texte de Koffi Kwahulé. Jouer contre la musique semble être ici le projet de Monk (…). Koffi Kwahulé reprend cela à son compte en affirmant : « Écrire c’est trahir une attente » ».
Il est vrai que l’écriture de Koffi Kwahulé peut perturber le lecteur. Ainsi, la parole est donnée sans être distribuée, à nous d’imaginer tel chœur de femmes. L’écriture est très elliptique, à nous de remplir les espaces vides, de les combler. À nous de nous emparer de cette matière sonore.À un moment, dans Blue-S-cat, la musique d’Armstrong fait exploser les murs de l’ascenseur, les corps aiment et dansent… Koffi Kwahulé par son écriture charnelle nous invite à sortir de nous-mêmes, des sentiers battus, des peurs, des frustrations, pour aller vers une forme plus libre, une sorte d’improvisation de la vie en phase avec la liberté que propose le jazz.
Ce n’est pas sans raison que l’auteur cite en exergue de sa première pièce ces quelques mots de Rabbi Nahman de Braslav : « Ne demande jamais ton chemin/ à quelqu’un qui le connaît/ car tu ne pourrais pas t’égarer. » L’écriture de Koffi Kwahulé en appelle à une autre compréhension. Elle invite le lecteur à s’égarer en chemin, à se perdre. À lire comme on chante, avec des bouts de mélodie qui reviennent sans cesse en tête. Ou bien encore avec une musique lancinante qui tourne en boucle. Comme ce personnage du dehors qui pendant tout le temps que dure Misterioso-119 s’entraîne à jouer ce morceau de Monk au violoncelle, fait suinter, miauler, couiner son instrument pour trouver une musique qui « ressemble à du sable mouvant ». La pièce se termine sur cette interrogation répétée en boucle : « Quelqu’un connaît la fille qui n’arrête pas de jouer cette musique à fendre l’âme du silence ? »

Misterioso-119
et Blue-S-cat
Koffi KwahulÉ
Théâtrales
94 pages, 13,50

Écrits jazz Par Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°65 , juillet 2005.