Un jour, votre animal de compagnie passe de vie à trépas et c’est un monde qui s’écroule. Le début dramatique du quatrième roman de Pierre Mérot annonce, avec un humour très décalé, de nouvelles errances pour un personnage que l’auteur affectionne : un quadragénaire parisien désenchanté, amateur de bars enfumés, d’alcool et de sexe triste. Après Mammifères (Flammarion, 2003), l’écrivain plonge à nouveau dans l’illustration et la critique du ridicule sociétal. Le narrateur, enseignant sans conviction, écrivain maudit, reçoit l’ordre par son éditeur de produire pour la rentrée un roman « réaliste ». Autrement dit, fini la littérature, il va falloir entrer dans les cases. Pourquoi pas un titre aguicheur comme Blowjob ou Total Fuck, rempli de sexe et de vanité ? Petit problème. Le quadra a une toute autre vision du réel et de l’écriture : « Un livre, ce n’est qu’une arche de papier jetée par un enfant dans un ruisseau imaginaire où il n’y a ni mort, ni lutte, ni pouvoir, mais seulement le regret, l’incalculable regret quelques explications obscures avant de disparaître ». « Oh, là là », répond l’éditeur, qui sent bien que l’affaire n’est pas gagnée. Avec une réelle inventivité, un hommage judicieux à la philosophie de l’absurde, Pierre Mérot multiplie avec force des remarques acides sur la vie de l’homme moderne, privée de sens. Enchaîné à des buts illusoires, nourri de programmes télé surréels, l’homme occidental, ici parisien, ne peut que sombrer dans la déprime la plus absolue. Face à son entourage sceptique, le narrateur cumule les sentences : « Travailler, être au chômage, dans les deux cas, ça assassine. Le chômage assassine plus vite, c’est tout. » Un constat accablant sur une époque, atténué toutefois par une lueur d’espoir : « La littérature, quand elle est bien menée, a une certaine utilité. »
L’Irréaliste de Pierre Mérot
Flammarion, 209 pages, 18 €
Domaine français Cruelle vérité
septembre 2005 | Le Matricule des Anges n°66
| par
Franck Mannoni
Un livre
Cruelle vérité
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°66
, septembre 2005.