C’était dans les années cinquante, à Bruxelles. J’apprenais l’oubli des fils barbelés et du cri des 55. « Marian Pankowski n’est pas encore le romancier qui donnera » une langue qui n’existait pas, alors, dans la littérature de mon peuple « . Il écrit des poèmes. Cherche une voix. C’est alors qu’il se met à » composer ce poème en prose, non pas directement, eut-on dit, mais comme s’il s’exhalait de moi, tant qu’il pouvait… « et le dédie à sa mère. » Je ne savais pas encore que du même coup, je rejetais de mon visage la peau de l’enfant. « L’horreur des camps, le temps passé à poser » à Dieu ces questions dont j’attendais en vain la réponse alors, quand je contemplais les étoiles sur Auschwitz, ces questions dont n’avait que faire l’aube grasse qui se levait des cheminées des crématoires « et le silence qui s’en suit se libèrent dans cette Liberté basanée restituée, celle des Tsiganes et de leurs roulottes, celle de la fraîcheur d’une enfance frondeuse et curieuse, les heures d’une paix que nulle Histoire n’a su occulter. En cinq courts traités de l’art de la maraude des fruits à celui de voler d’un arbre à l’autre, de celui de faire du feu, que l’on » trouve en toutes choses, peu ou prou. Le contiennent l’or et le vinaigre, les cheveux et le marbre, l’eau aussi, et le bois du cerf " il s’adresse à l’enfant qu’il était autant qu’à ceux de demain,
et leur rappelle d’une voix juste, d’une langue claire, élégante, la jouissance des jours pleins, « pour que nous puissions croire qu’elle n’est pas morte, la liberté basanée. » Ce que, depuis, il n’a cessé de nous dire.
Liberté basanée de Marian Pankowski
Traduit du polonais par Elisabeth Van Wilder
Éditions Chambon/Le Rouergue, 64 pages, 5 €
Domaine étranger Soleil & fruits
octobre 2005 | Le Matricule des Anges n°67
| par
Lucie Clair
Un livre
Soleil & fruits
Par
Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°67
, octobre 2005.