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Domaine étranger Amours irradiées

février 2006 | Le Matricule des Anges n°70 | par Delphine Descaves

Per Olov Enquist s’empare de deux grandes aventures scientifiques du monde moderne et nous conduit jusque dans les eaux troubles de leurs explorateurs.

Ce n’est pas la première fois que Per Olov Enquist, important romancier suédois, écrit des récits mêlant la biographie et le roman, il l’a déjà fait par exemple dans Le Médecin personnel du roi, dans lequel il racontait le destin hors du commun de Struensee, qui fut au XVIIIe siècle le médecin et le conseiller de Frédéric V, roi du Danemark.
Il se penche cette fois sur plusieurs personnages dont les vies se sont croisées et mêlées : celle de Marie, Pierre Curie, et Paul Langevin (qui fut le dernier amour de Marie Curie) d’une part ; celle de Jean Martin Charcot d’autre part. C’est pourtant la moins connue d’entre eux, Blanche Wittman, qui fait le lien entre ces différents êtres. Patiente et maîtresse de Charcot, puis assistante et amie de Marie Curie, amputée gravement à la suite de radiations, elle vit, au moment où débute le récit (dans les années 1910) dans une « caisse en bois montée sur roulettes ». L’image récurrente dans le texte de cette femme amoindrie assaille le lecteur dès les premières pages par sa profonde morbidité, et donne en quelque sorte le ton à ce funèbre récit. Pour faire revivre ce groupe d’individus exceptionnels, pionniers scientifiques mais aussi victimes, des autres et d’eux-mêmes, Enquist s’est d’ailleurs inspiré des carnets de Blanche, intitulés Le Livre des questions.
Les autres, c’est la société de la fin du XIXe siècle, hypocrite et corsetée par mille tabous. Marie Curie a été bafouée après que sa relation avec Langevin, qui était marié, a été divulguée par une presse misogyne et antisémite. Organisant un scandale de bas étage, et suivis par une opinion publique haineuse, les journaux parviennent à salir cette carrière brillantissime (deux prix Nobel, un de physique et un de chimie !). Et c’est la même société qui enferme, ensemble et sans distinction, toutes sortes de patientes dans le célèbre hôpital de la Salpêtrière : vieilles femmes simplement séniles, hystériques spectaculaires, prostituées, adolescentes rejetées par leur famille. Internées mais pas forcément folles, elles s’entassent dans le « château ». Ce lieu fascine visiblement Enquist, et on le comprend. Dans cet univers clos, gynécée à la fois infernal et sordide, se sont joués les débuts de la psychiatrie, conduits par un groupe d’hommes : Charcot y dirige ses recherches, assisté du jeune Sigmund Freud, de Jules Janet ainsi que de Joseph Babinski. Enquist évoque leurs méthodes de travail, leurs expérimentations plutôt horrifiantes pour un lecteur de 2006 ! et aussi l’érotisme et les rapports de pouvoir qui lient ces scientifiques à certaines de leurs patientes.
Ne prétendant pas à la véracité un peu sèche d’une biographie plus scientifique, et assumant l’attrait morbide que suscitent en lui ces destinées, Enquist nous entraîne à notre tour dans une sorte de rêverie sur ce qu’a été cette époque, et nous fait jeter un autre œil sur Charcot ou Marie Curie. Ces découvreurs que l’on imagine pétris de rationalisme, pures incarnations de la science, apparaissent ici comme profondément menés par leur soif d’amour et leurs désirs. C’est là peut-être la limite de cette écriture par ailleurs très suggestive : l’abondance des phrases exclamatives, les passerelles un peu forcées établies entre les deux couples d’amants, et le rapprochement que fait systématiquement l’auteur entre la recherche scientifique de Marie Curie et sa difficulté à comprendre l’amour, peut agacer ou laisser sceptique. Mais la curiosité pour cette époque et pour ces esprits inspirés l’emporte, et Enquist est un conteur qui sait ensorceler.

Blanche et Marie
Per Olov Enquist
Traduit du suédois
par Lena Grumbach
et Catherine Marcus
Actes Sud
261 pages, 20

Amours irradiées Par Delphine Descaves
Le Matricule des Anges n°70 , février 2006.
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