Le livre de Cesare Greppi est une œuvre étrange qui se joue des conventions. Le poète milanais, grand traducteur d’œuvres espagnoles du XVIe siècle et d’écrivains tels qu’Yves Bonnefoy ou Ronsard, a mis tout son art dans ce court récit. Tout commence comme dans un livre d’aventures. En Espagne, des hommes en noir pénètrent secrètement dans un couvent. Des témoins, interrogés par un juge apostolique, parlent à mots couverts. Y a-t-il eu ce que personne n’ose nommer une rencontre galante ? Sur les routes, un agent, déguisé en gueux, glane des renseignements. Précis de conduite pour la tenue d’un procès d’Inquisition, Les Témoins est également une fine description de la vie des campagnes dans le XVIIe siècle espagnol. Pour Greppi, le quotidien des paysans, fait de travaux pénibles et d’humilité, reste étranger aux prélats engoncés dans leurs robes. Le fossé semble incommensurable et le respect des témoins pour le magistrat qui les interroge n’est sûrement pas signe d’adhésion. Dans un style déconstruit, qui rappelle les tournures de l’époque, Cesare Greppi, fustige l’hypocrisie : la seule gagnante dans ce système du tribunal permanent. Clergé et noblesse, tiraillés par des luttes d’influences, n’en font pas moins cause commune lorsqu’il s’agit d’opprimer les petites gens. La critique des systèmes qui règnent par la contrainte et l’intimidation est à peine voilée. Une leçon qui traverse les âges.
Les Témoins de Cesare Greppi
Traduit de l’italien par Marie-Pierre Géraud
La Différence, 76 pages, 10 €
Domaine étranger Mystère au monastère
juin 2006 | Le Matricule des Anges n°74
| par
Franck Mannoni
Un livre
Mystère au monastère
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°74
, juin 2006.