Rehauts N°18
Le 18e cahier de Rehauts est, entre parenthèses, titré « brèches ». Cette indication, à vouloir centrer un thème, ou à le forcer, ne se vérifie pas vraiment. À défaut de brèches, on entend plutôt à ce bel ensemble de textes, les figures du motif, ou l’idée de notations. Dans l’esprit des ballades, telles qu’elles sont conçues dans le jazz, se compose, chez Christophe Lamiot Enos, un poème-mémoire étiré au ras d’une quotidienneté américaine. Cela fait le charme décalé et boitant de cette écriture, ses instants de sensations vives, situations en somme d’émotions comme dans ce « Paroles gestes. De nuit/ allongent la surface du lit, les meubles/ à la disposition qui// l’ombre la lumière/ autour, lentement/ la lumière// bougerait ». Cédric Demangeot, lui, débusque le pouvoir policier dans le fond du corps, là où il n’a pas de langue, il cherche dans un poème cassé et retors, à faire surgir la voie du salaud et du bourreau. Antoine Emaz livre un vrac de notes réflexives sur la pratique du poème, ses leurres, ses enjeux avec, toujours, à l’horizon, cette saisie du réel et de l’époque avec lesquels il ne transige pas. À noter, également, en plus d’un entretien et des poèmes inédits du grand poète portugais Nino Judice, la belle suite en Hommage à Spicer (Jack) de Yves di Mano et la très étonnante coloration des Scories… de Paul Louis Rossi : « Roccella/ tinctoriale rouge/ piquante// cornicularia/ capillacées d’un beau vert épinard », sorte de tracés vifs notés à la seconde d’une balade en campagne.
Rehauts N°18, 112 pages, 12 € (105, rue Mouffetard 75005 Paris)