Les nouvelles de la romancière Christine Montalbetti tournent résolument le dos aux règles qui régissent le texte court : concision du trait, priorité à l’action sur les descriptions. Tout au contraire, la nouvelliste allonge sa phrase, la gonfle d’incises, de digressions, d’apartés au lecteur. Les actions de ces courtes histoires ? Quasi absentes. C’est que le sujet de ce livre où les nouvelles s’envoient des signaux les unes aux autres, c’est, justement, l’inaction. Ou plus exactement l’action empêchée. L’amour enlisé. Un homme séduit par une jeune femme dans une soirée, l’invite à le rejoindre un peu à l’écart des autres convives et se trouve devant elle avec rien à lui dire. Un autre essaie dans un café de trouver dans le décor qui l’entoure un sujet de conversation avec une femme qu’il veut séduire et… ne trouve rien. Un troisième rêve d’une rencontre inattendue avec une jeune femme aperçue chez des amis, la croise par hasard dans la rue et… ne l’aborde pas. Dans le trou noir des actions retenues, Christine Montalbetti déploie avec malice tout un récit de l’effondrement. C’est drôle, d’autant plus qu’on est sans cesse pris à partie par la narratrice, mis en demeure de retrouver, dans la précision des faits, ce « déjà-vu » savoureux qui renvoie à notre expérience intime. Mais ce livre-là, vaut surtout par les inventions qui se multiplient : Montalbetti est une virtuose de la rhétorique avec quoi elle joue. Peut-être trop diront certains, plus amateurs de mélodies que de structures. Ses personnages, modernes en ce qu’ils n’ont plus d’épaisseur, ne sauraient être incarnés : leur psychologie fantôme est un vide qui appelle à lui tous les récits. Un bonheur d’écriture.
Nouvelles sur le sentiment amoureux
de Christine Montalbetti - P.O.L, 150 p., 14,90 €
Domaine français Procrastinations
février 2007 | Le Matricule des Anges n°80
| par
Thierry Guichard
Un livre
Procrastinations
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°80
, février 2007.