If N°30
Hélène Bessette fait partie de ces écrivains dont l’ensemble de l’œuvre a été publié chez Gallimard (13 romans entre 1953 et 1973, tous épuisés) et qui restent méconnus du lecteur d’aujourd’hui, comme, injustement aussi, Bruno Gay-Lussac et son Voyage enchanté. La livraison d’If permet de mieux la découvrir, entre autres par quelques lettres inédites à Alain Bosquet, quelques souvenirs de carnets et les deux livraisons de sa revue Le Résumé, dans lesquelles on trouvera aussi bien des amorces de théories littéraires que des remarques politiques sur le non statut de l’écrivain en marge, et, toujours, cette nette propension à attaquer par de vifs coups de couteau les bienséances et bassesses mondaines de toute époque (dont l’incontournable parisianisme). Les reconnaissances de son vivant ne manquèrent pourtant pas (Duras, Sartre, Queneau, Sarraute…), mais ses livres, aux titres pourtant frappant - de Lili pleure à Si, en passant par Materna (rééd. Léo Scheer 2007) ou Suite suisse - leur style incantatoire, sont perçus comme une recherche avant-gardiste et élitiste (éternel malentendu). La langue est pour Bessette une matière vivante à travailler depuis nos expériences innommables : elle casse la narration, les perceptions sont kaléidoscopiques, la mémoire hachée de micro-événements. On apprendra dans l’introduction de Julien Doussinault, combien l’audace de ses textes était soutenue par l’expérience biographique, de l’exil à Londres et à Lausanne à la précarité sociale et psychique, la faim et le dénuement.
IF N° 30 (Hélène Bessette), 96 pages, 12 €