New York, juillet 69 : « un photographe mitraille à coups de flash le corps allongé à plat ventre ». Quatre jeunes noirs proches de la victime vont déballer « en vrac » les péripéties de leur existence dans les mois qui ont précédé le crime. Nous sommes immédiatement entraînés dans les méandres du « grand jeu de la drogue » au cœur du ghetto. Il y a Spade, le caïd froid, Junior l’apprenti caïd, Tommy Hall, le militant de la cause noire, QI, l’intellectuel. Ces gamins sont de petits dealers qui vont encore à l’école et vivent chez leurs parents. Ils s’affrontent à coups de trahisons et de règlements de comptes qui deviennent vite sanglants. Le tout sur fond de misère sociale et d’émergence du militantisme noir.
L’action est rapide, servie par un jeu d’échanges verbaux au ton brutal. La construction en boucle égare le lecteur en l’obligeant à discerner ce qui est dissimulé, et opère dans l’ombre avec une effroyable efficacité. Le style oral de ce premier roman publié aux États-Unis en 1970 - l’auteur avait 19 ans - est représentatif de la personnalité de Gil Scott-Heron, poète, écrivain, activiste, musicien considéré comme précurseur à la fois du rap et du slam. Le Vautour n’est autre que l’esprit du mal qui se cache dans le ghetto et détruit ses enfants. Scott-Heron nous révèle comment il agit dans le cœur de jeunes hommes pour propager la souffrance et la mort. L’hypocrisie étant la seule réponse de la société américaine, le tableau est sinistre. Il est difficile d’y trouver un germe d’espoir. Mais la lucidité de ce témoignage milite en faveur d’une possible rédemption.
Le Vautour de Gil Scott-Heron
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-François Ménard, Points-Seuil, 304 pages, 7 €
Domaine étranger Observer l’oiseau
janvier 2008 | Le Matricule des Anges n°89
| par
Yves Le Gall
Un livre
Observer l’oiseau
Par
Yves Le Gall
Le Matricule des Anges n°89
, janvier 2008.