Brèves N°84 (Les retourneurs d’idées)
Y aurait-il des retourneurs d’idées comme il y a des retourneurs de défunts dans les sociétés malgaches ? Par retourneurs d’idées, la revue Brèves, anthologie permanente de la nouvelle et Caroline Granier, spécialiste du genre évoquent les écrivains anarchistes de la fin du XIXe siècle. Est retourneur d’idées, celui qui propose une pensée sans vouloir l’imposer. Celui qui utilise l’écriture (à noter ici l’extrême diversité des écrits) pour dénoncer les fictions sociales. « La grande ruse du capitalisme est de se faire passer pour réel et immuable, le combattre consiste d’abord à montrer sa nature fictive. » Le but : amener l’individu à s’affranchir, à se libérer des normes sociales, économiques, religieuses, etc. L’anarchisme permet ainsi aux écrivains de concilier engagement et liberté sans toutefois produire une littérature de propagande. Si l’on retrouve des textes d’auteurs reconnus comme Jules Vallès, Octave Mirbeau, Alphonse Allais ou Isabelle Eberhardt, le recueil permet de découvrir une nouvelle fantastique de Louise Michel, mettant en scène un bourgeois, atteint de vampirisme. Félix Fénéon, spécialiste des « nouvelles en trois lignes » évoque une chasse à l’homme. Tout un village, en plein carnaval coursant deux voleurs de pain. La deuxième partie de la revue est consacrée à l’irremplaçable Le Fou parle, revue des années 80, où idées libertaires, littérature, arts ont atteint des sommets encore aujourd’hui inaccessibles. Jacques Vallet, un de ses fondateurs affirme : « L’art, c’est le commencement de l’Anarchie ! »
BrÈves N°84 - 144 pages, 12 € (1, rue du Village, 11300 Villelongue d’Aude)