Travioles N°14
Peu de revues jouent pleinement avec l’art et la littérature. Peu de revues créent une dimension anamorphique d’images et de mots. Travioles, semestrielle avec sommaire, mais sans édito, ni présentation y parvient, depuis quatorze numéros. Elle met face à face textes et images. Ceux-ci d’instinct cohabitent, s’articulent, s’informent, se transcendent, créant une relation métabolique. La lecture de Travioles s’apparente donc à une déambulation fantasmatique. Ce numéro pourrait s’intituler Masques et bergamasques. Au départ des portraits bruts, enfantins, plutôt sereins de Philippe Hélémon évoquant Egon Schiele ou James Ensor, ponctués d’aphorismes de Lichtenberg. « Il est des gens qui croient que tout ce qui se dit avec un visage sérieux est raisonnable. » Puis Jacques Serena nous entraîne dans une Battue carnavalesque où des ecclésiastes vêtus de peaux de bêtes souillées doivent capturer des Moldaves vêtus de blanc et les recouvrir de lie de vin. Les poèmes d’Hubert Haddad se mettent alors à trembler. En vibration avec les dessins de son presque homonyme Abraham Hadad. Nez, bouches bougent, s’animalisent - « est-ce que le mot vide est vide ». Plus loin René Caussanel, Bernard Dufour et Serena confrontent leurs travaux respectifs, peintures, photos, romans, et dialoguent autour de l’idiotie, le vol et le crime. « Nous on est incapable de répondre sur nos conneries, nos faits et gestes. Mais on voudrait que les autres aient de bonnes raisons pour avoir fait ci ou ça. Nous sommes drôlement étranges… » Travioles propose ainsi une trentaine de rencontres : Philippe Cognée/Antoine Gallien, Fred Vargas et sa jumelle peintre, Gérard Garouste/Hortense Lyon… Un numéro dense, halluciné, généreux, exhalant la pureté et la monstruosité de l’enfance.
Travioles N°14 - 315 pages, 25 €
(9, rue Lesage 75020 Paris)