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Domaine étranger Meurtre indécis

février 2009 | Le Matricule des Anges n°100 | par Delphine Descaves

Dans une Albanie en crise, Fatos Kongoli met en scène un homme à la dérive, partagé entre souvenirs et présent sans avenir.

La Vie dans une boîte d’allumettes

Bledi Terziu a le profil d’un pauvre type : le roman s’ouvre, en 2004, sur son appartement de Tirana, où il achève sa bouteille de whisky parmi les photos de son ex, la blonde Veronika à lunettes, qui semble suivre des yeux toute personne de passage - par exemple, Dina, la jeune serveuse et maîtresse de Bledi. Celui-ci tue une jeune tzigane qui a sonné chez lui et avec laquelle il a absolument voulu coucher, le temps d’une courte lutte sordide. Effaré, il cherche à se débarrasser du cadavre après avoir jeté le corps dans le coffre de sa voiture et « resta un bon moment debout, sous la pluie, en attendant que quelqu’un surgisse pour lui dire : « Monsieur, le jeu est terminé. » Personne ne se manifesta. »
Après ce basculement, le lecteur remonte la vie de Bledi, tantôt décrite à la troisième personne, tantôt à la première, narrée par lui-même. Le récit est proche du polar, du roman noir, avec ce personnage de paumé, ses errances et ses échecs, entre femmes et alcool ; mais ce ne serait pas suffisant pour faire un bon livre, et l’intérêt réside dans tout ce que nous dit Fatos Kongoli sur la société albanaise des années 90, marquée par la fin d’un communisme étouffant. C’est par exemple la vie de l’immeuble - surveillée par les aktivistes, noms donnés à ces sortes d’agents de sécurité du quartier - avec ses voisinages indiscrets, ses intérieurs étriqués dans lesquels on s’entasse. Peu à peu se dessine le portrait d’un peuple sclérosé, au bord de l’explosion (les émeutes violentes de 1997 sont évoquées) qui rejette de façon primaire sa population tzigane, associée à toutes les « puanteurs ». Le mot est récurrent dans la bouche du narrateur, littéralement obsédé par les odeurs pestilentielles, qu’elles émanent de lui ou d’autres, symbole d’une société en proie aux pourrissements. Les individus tentent d’échapper au pays quand ils le peuvent, rejoignant l’Italie ou la Grèce et tentant de vivre mieux, avec difficulté, « car même si le hasard fait que vous viviez dans de grands espaces je vous assure que votre monde restera aussi petit qu’une boîte d’allumettes. Vous aurez tendance à en réduire les dimensions, à les conformer à celles de l’espace où vous avez grandi. » Ainsi Elton, l’ami de jeunesse de Bledi, disparaît à l’étranger ; et ses parents, poursuivis par le scandale de leur vie privée chaotique - un ménage à trois dans l’immeuble ! - partiront quelques années plus tard.

La fin d’un communisme étouffant.

La plume de Kongoli a un pragmatisme sans fioriture, un rien brute, souvent caustique. Les femmes y occupent une grande place, souvent jolies et pulpeuses mais jamais accessibles très longtemps pour notre (anti)-héros, qu’il s’agisse de Mérita, dite Méri, la mère d’Elton croisée dans l’escalier, qui est seulement l’objet de fantasmes récurrents ; ou bien Suela, rencontrée grâce à Elton et qui met le jeune homme mal à l’aise : « j’ai fixé les verres miroirs de ses lunettes de soleil en m’efforçant de regarder au travers. Je n’y ai aperçu que mon propre reflet déformé. » Après avoir été sa maîtresse, elle le plantera là, et il ne gardera pas non plus Iana ni Veronika : elles ont toutes estimé que leur destin se jouait sans lui. En bout de course comme beaucoup d’Albanais, Bledi semble attendre, déjà résigné, la punition du crime absurde qu’il a commis. « Je me souviens juste m’être trouvé sur un pont surplombant une rivière au courant tumultueux (…). Je me trouvais entre la vie et la mort, ignorant ce que je désirais le plus : suivre la même voie que la jeune fille ou remonter dans ma voiture et rebrousser chemin… Gelé jusqu’aux os, j’ai donc fini par remonter dans ma voiture et j’ai fait demi-tour. »

La Vie dans une boîte d’allumettes
Fatos Kongoli
Traduit de l’albanais par Edmond Tupja
Rivages, 217 p., 18

Meurtre indécis Par Delphine Descaves
Le Matricule des Anges n°100 , février 2009.