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Domaine étranger Fabrique à mâl(es)

avril 2009 | Le Matricule des Anges n°102 | par Dominique Aussenac

Brûlot anti-machiste, hommage à une littérature salvatrice, le premier roman de la Catalane Najat El Hachmi détonne. Violent mais drôle.

Le Dernier patriarche

Non, la littérature ne change pas le monde, mais peut assurément modifier certaines destinées. Najat El Hachmi née au bled, au Maroc, en 1979, arrivée en Catalogne à 8 ans, fait figure aujourd’hui de révélation des lettres catalanes. Ce qui s’est passé entretemps, c’est un peu ce qu’elle raconte dans Le Dernier Patriarche. Un peu, car il est difficile de croire qu’elle ait pu survivre à autant de violence, de bêtise, d’aliénation et se construire. Ce qui est relaté, à la limite du soutenable, n’est lisible que parce qu’elle utilise l’humour, l’autodérision, que le tragique s’estompe souvent en farce, qu’elle prend du recul, en écrivant à hauteur d’enfance, qu’elle énonce simplement des faits, ne jugeant pas. Ce roman peut être perçu comme la description d’un choc de civilisations, l’émigration déstabilisant les êtres. Il n’est toutefois pas satisfaisant d’en rester là. Il dénonce aussi l’ordre et le rôle des mâles et des patriarches. Comment ces derniers confortés dans la toute-puissance de l’enfance (égoïsme, colères, immaturité affective, satisfaction immédiate des désirs…) peuvent écraser mère, sœur, femme et fille. Et ce avec le consentement, voire la bénédiction de la communauté, de la Loi et de la religion.
Mimoun arrive au monde après trois filles, la satisfaction dans la famille paysanne pauvre est à son comble. Il va assurer la continuité de la lignée. Nourrisson agité, il recevra de son père excédé, une gifle, la première et déjà celle de trop. Convulsif, Mimoun se montrera incontrôlable dans ses crises, imposant à tous sa propre loi. La faute aux djinns ? Adulte, il prendra femme qu’il laissera au bled, émigrera en Catalogne, travaillera dur comme maçon, mènera une vie dissolue. Rentrant régulièrement au village, il y fera chaque fois un enfant, écrasant de jalousie sa femme. Après quelques garçons, cette dernière accouchera d’une fille, qu’il chérira. Rejoint par sa famille en Catalogne, il poursuivra sa vie erratique (sexe, violence, alcool, drogues…). Déstabilisée par la conduite du père qui n’hésite pas à amener ses maîtresses à la maison tout en la frappant comme sa mère, la narratrice décide d’apprendre chaque jour quelques mots de catalan. La lecture lui permettra d’enrichir son imaginaire, de résister. Elle découvrira son corps, ses émois en lisant, et parviendra à s’émanciper de l’aliénation familiale. La fin du roman apparaît comme un hommage en miroir inversé à la plus grande femme des lettres catalanes Mercè Rodoreda (1908/1983). Cette femme engagée se maria avec son oncle maternel, eut de lui son unique enfant, se libéra de ce fiasco par la littérature, s’exila, vécut une vie amoureuse tumultueuse. De l’écriture aux frontières du réalisme et de l’étrange, Najat El Hachmi a parfaitement intégré le premier, troqué le second par un humour et une mise à distance singulière. Style simple, efficace, élans narratifs, introspection limitée, évocations crues, violentes. Si les prix littéraires sont décriés, celui reçu par Le Dernier Patriarche en 2008 - le prix Ramon Lull n’a pas simple vocation de valoriser l’intégration d’une émigrée par la langue - récompense une femme courageuse et un roman libre, vibrant et fougueux.
« Non, Manel, moi je ne fais pas ces choses-là. Je suis une femme décente, même si tu ne le crois pas. Mimoun ne devait pas savoir ce que voulait dire « décente » et il avait insisté, jour après jour. Allez ! Laisse-moi faire, c’est une coutume musulmane ; dis-toi bien que toutes les générations de ma famille l’ont fait et c’est la première chose que les femmes apprennent en matière de sexe. C’est ce que dit notre religion ; on doit le faire, c’est aussi sacré que le Coran ou de prier cinq fois par jour. »

Le Dernier Patriarche
Najat El Hachmi
Traduit du catalan par Anne Charlon
Actes Sud, 368 pages, 22,80

Fabrique à mâl(es) Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°102 , avril 2009.
LMDA papier n°102
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