On aurait plutôt imaginé la collection « Laureli » du côté d’Oberkampf que de ce huitième arrondissement clinquant qui héberge les éditions Leo Scheer. Chics et compassés, les commerces ici affichent des prix qui ressemblent à des plaisanteries et les vitrines des galeries d’art exposent des bustes de Napoléon. Laure Limongi, seule rescapée d’une canicule qui a vidé les locaux de la maison d’édition, avoue qu’elle rêve aussi d’autres horizons, ; ça tombe bien : le lendemain de notre rencontre elle s’envolera pour le Brésil où un colloque et des vacances l’attendent. Cette jeune Bastiaise de 33 ans semble avoir trouvé le moyen de marier la littérature à une vie proche de celles de musiciens, sauce rock. Ses pages sur Facebook témoignent de soirées ici ou là, là ou ici, littéraires ou musicales ou les deux à la fois. Les livres qu’elle publie montrent une certaine fascination pour les icônes (de Sœur Sourire à Marlon Brando, en passant par Elvis qu’elle-même a couché sur le papier dans Fonction Elvis), un goût pour la musique, les images télévisuelles, et un penchant pour les éléments lumineux de la modernité.
Un penchant qui s’explique par le fait qu’elle reçut une solide initiation à la poésie contemporaine grâce à Jean-Marie Gleize qu’elle rencontre alors qu’elle est en Prépa à Aix-en-Provence. Ces années d’études (elle a 18 ans quand elle débarque de Corse) sont primordiales à sa formation : elle rencontre notamment Christophe Hannah, Michel Crozatier, Nathalie Quintane et Laurent Cauwet qu’elle va accompagner au sein de ses éditions Al Dante où elle dirigera sa première collection : « & » (créée en 2000). Elle y publie « cinq ou six essais » autour de cette poésie dont elle voudrait partager l’expérience. « & » stoppe sa production lorsque Laure Limongi publie son premier livre en tant qu’auteur : Éros Peccadille (Al Dante, 2002). Leo Scheer, qui a regroupé autour de sa maison d’édition des éditeurs indépendants lui confie la rédaction des argumentaires et la communication. En 2006, l’éditeur lui offre de diriger une collection et dessine même le logo de « Laureli ». Pour cette rentrée, Laure Limongi ajoute Kart un premier roman de Frédéric Junqua et deux titres de l’incroyable Raymond Federman, la réédition de La Fourrure de ma tante Rachel et Les Carcasses (dont une version avait été publiée par la librairie Olympique de Bordeaux) aux 22 titres du catalogue.
Laure Limongi, lorsque vous créez en 2006 « Laureli » quel en est le projet ?
C’est une collection qui s’inscrit clairement dans le roman, mais pas dans le roman traditionnel. L’image que j’ai eue en tête dès le début, c’est celle de chevaux de Troie lancés dans un monde de communication épanchée. Ce sont des formes qui peuvent se fondre dans le paysage romanesque mais qui recèlent beaucoup de petites bombes formelles, d’idées en elles.
Avec le désir que ces livres mettent en péril le genre dans lequel ils se rangent ?
Oui. Je ne crois plus...
Éditeur Les chevaux de Laure
Figure de l’Internet littéraire (de Facebook à Dailymotion en passant par son blog et Myspace), Laure Limongi écrit des livres, compose de la musique, se produit sur scène et dirige la collection « Laureli » aux éditions Leo Scheer où elle publie des proses à la modernité affichée.