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Poches Mort à crédit

octobre 2009 | Le Matricule des Anges n°107 | par Camille Decisier

Aux États-Unis d’Amérique, tout se monnaie. Y compris la mort barbare d’un innocent volontaire, si elle peut alimenter les délires cinématographiques d’une poignée de cinglés.

Rafael, derniers jours

Morgantown, USA. Une zone de non-droit entre la décharge et l’autoroute, où survit clandestinement une communauté de marginaux oubliés du système. Installées dans les carcasses des voitures tombées dans le ravin, des familles entières s’efforcent de tirer un maigre profit des rebuts glanés sur le tas d’immondices, tout en passant - mais pas toujours - entre les balles tirées à bout portant par les vigiles. Au fil des années s’est instauré au sein de cette colonie pouilleuse un système économique précaire reposant sur une caisse commune alimentée tant bien que mal à hauteur des moyens de chacun. Un entrepôt délabré, servant de magasin général, fournit le strict minimum vital ; pour l’essentiel des litres de vodka frelatée que les habitants, quel que soit leur âge, biberonnent depuis l’enfance.
À un peu plus de 20 ans, Rafael est marié à Rita - parce qu’il la connaît depuis toujours, et père de trois enfants qu’ils essaient de faire grandir au milieu des miasmes cancérigènes, des allergies chroniques et des ordures en putréfaction. Ce lundi, au moment où débute le récit, Rafael n’a plus que trois jours à vivre. Mais aussi, pour la première fois de sa vie, un contrat de travail. Un soi-disant document officiel rédigé par un producteur de snuff movies, qui lui garantit de façon plus que douteuse trente mille dollars en échange de l’exclusivité du film de sa mort. Si Rafael voit là le moyen de permettre à sa famille de quitter Morgantown, il est également fasciné par la promesse de gloire que lui fait miroiter l’odieux Larry : il sera la tête d’affiche d’un long métrage clandestin restituant en temps réel son propre meurtre, son agonie au terme d’une heure de torture. « Ce que nous sommes en train de faire, ce sont peut-être bien les plus grands films de l’histoire, parce qu’ils sont la vérité pure, Rafael, c’est pas du chiqué, on montre comment des personnes réelles souffrent et meurent réellement, et ça reste de l’art, de l’art et de l’ironie, et toi, Rafael, tu seras dans un de ces films, tu montreras au monde entier quel genre d’homme tu es vraiment. » Le scénario du film, si l’on peut ainsi nommer l’innommable, Larry le déroule minute par minute pour son premier rôle masculin, lui annonçant dans les moindres détails les circonstances exactes de sa mort annoncée. Ce passage, inséré dans la troisième partie du récit, est tellement insupportable qu’il fait l’objet, en tête de livre, d’un avertissement particulier de l’auteur, lequel laisse au lecteur la possibilité de s’en épargner la lecture, effectivement pénible.
Lexique minimaliste, dialogues saccadés.
Nous voilà donc prévenus. Gregory Macdonald adopte la posture du journaliste plus que celle du romancier, notamment grâce à la neutralité de son écriture, en quelque sorte imposée par la thèse du récit, cette froideur monstrueuse portée par un lexique minimaliste et des dialogues saccadés - lesquels rendirent possible, voire évidente, l’adaptation cinématographique du roman en 1997. Accompagner les derniers jours de Rafael, incarnation de la pureté absolue, victime innocente et consentante, d’une naïveté à pleurer, c’est rendre visite au condamné de Victor Hugo, mais dans une cellule archi-moderne, aux quatre coins de laquelle on trouvera la misère sociale, l’indifférence humaine, le cynisme aveugle des money-makers et le désespoir neurasthénique devant l’improbabilité d’un changement. En 1991, Gregory Macdonald prit temporairement ses distances avec le polar, qu’il pratiqua intensément (il est l’auteur de la célèbre série des Fletch) en composant cette pièce unique, qui donne un sens inédit au terme de roman noir : la commotion littéraire et philosophique provoquée par une réalité qui donne la nausée à force d’être si fidèlement rendue.

Rafael, derniers jours de Gregory Macdonald
Traduit de l’américain par J.-F. Merle, 10/18, 192 pages, 7

Mort à crédit Par Camille Decisier
Le Matricule des Anges n°107 , octobre 2009.
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