Nous sommes en 20XX et un parfum de désertion traîne dans l’atmosphère. Dans le deuxième roman de Cécile Reyboz, tout va de traviole et de guingois. Lazor Hilaire, employé d’Azur & Gold Perspectives humaines, quitte en pleine délibération le conseil des prud’hommes où il siège ; la ville couve quelque chose, des déchets s’accumulent et flottent, comme des amas intersidéraux. Le président, d’ailleurs, est en tournée spatiale. L’auteur, avec une grâce et un enjouement infinis, tisse les fils très simples du récit d’une crise, humaine, enfin. Comme un arrêt sur image, juste le temps de voir osciller les choses et les êtres : Rémi le chat euthanasié, A. Bolas, la « femme de biais » dont s’énamoure Lazor au tribunal, et une jeune amie qui, au sujet de son avenir, hésite « entre danseuse topless et poseuse de bombes ». Pencher pour est un joli pas de deux, un petit « déraillage » entre amoureux, entre celui qui en a marre de n’être « que le type qui tient sa place » et celle « qui lui a dit oui, puis non, puis : Essayons encore ». Les points de vue de ces deux héros, habituellement corsetés par les formalités des procès et des plaidoiries, alternent dans ce court roman pour conter une ballade inattendue. Que l’on doit lire non comme une simple évasion mais comme une déambulation, une respiration. Comme un coup au cœur. C’est un livre attachant, envahissant, grinçant sans être grognon, contagieux de fantaisie, un véritable euphorisant, une retombée en tendresse. Partition au timbre singulier et sans nul couac qui fait sortir les personnages de leurs gonds et danser un instant. Avec la fragilité du malentendu et du balbutiement, à l’image de ces figurines de pâte à modeler que malaxe Lazor dans un des plus jolis passages du texte, ou des dessins de monstres sur les cartes à jouer d’A. Petite musique ténue. Têtue.
Pencher pour
de Cécile Reyboz
Actes Sud, 183 pages, 18 €
Domaine français Pencher pour
mars 2010 | Le Matricule des Anges n°111
| par
Chloé Brendlé
Un livre
Pencher pour
Par
Chloé Brendlé
Le Matricule des Anges n°111
, mars 2010.