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Domaine français A perte

avril 2010 | Le Matricule des Anges n°112 | par Lucie Clair

Poursuivant son thème de prédilection, Arnaud Cathrine offre un nouveau roman sur la disparition et les gouffres qu’elle provoque chez les survivants.

Le Journal intime de Benjamin Lorca

On aime toujours à perte - par le simple fait d’être mortels. Que la personne aimée disparaisse, elle nous laisse avec nos sentiments, désirs, pulsions, incomplets, inassouvis - forcément impréparés - et l’évidence de sa présence change de nature. Elle devient celle, intermittente, des trésors (perdus), parfois d’une pesanteur agaçante - l’énervement des choses rêvées, rendues impossibles par « l’étau de l’irrecevable » - parfois détournée, par l’inconcevable nostalgie de la mémoire - celle des moments partagés, des souvenirs de l’absent, par lui racontés, par l’autre appropriés, à mesure que le manque envahit la vie qui se poursuit - souvenirs en vain remplacement. Depuis Les Yeux secs, son premier roman (1998), Arnaud Cathrine excelle à dépeindre ces cheminements du deuil, les brèches ouvertes dans les consciences par « la place vide », par « ce temps qui n’est pas suspendu, au contraire, qui s’écoule avec insistance ».
Le Journal intime de Benjamin Lorca, son septième roman, met en scène quatre voix enchevêtrées d’un texte, reliquat inédit d’un écrivain imaginaire mort trop tôt - en hommage explicite à Guibert, Calet, et Vincent de Swarte, décédé en 2006 - mais on pense aussi à Chéreau. Quatre espaces de vie partagés par Benjamin, avec plus ou moins de bonheur - pour lui ou pour l’autre - restitués avec leur lot de paradoxes par ses proches : Edouard « l’amoureux éconduit », Martin inconsolable de leur « fraternité laborieuse », Ronan, l’alter ego compère d’une aventure scénique - qui n’est pas sans rappeler Frère animal, le roman musical coécrit et joué par Cathrine avec Florent Marchet -, Ninon, son « grand amour », tournoient autour du document secret, recomposent à tâtons, cinq, dix et quinze ans après sa mort, les bornes de l’univers qu’il occupait.
Autour de ce journal, symbole de ce qu’il reste de non abouti après une disparition - a fortiori chez un écrivain, qui, d’une manière ou d’une autre, s’offre en partage au monde - se pose la question de l’héritage et de la fidélité. Quelle valeur garde la volonté d’un mort quand il n’est, par essence, plus là pour la défendre ou l’appliquer ? Quand les « ayants-droit », qu’ils soient « charognard(s) » ou gardiens du temple, se retrouvent seuls face à leur conscience, leur mémoire de l’autre, ces autres testaments non écrits qu’il laisse derrière lui ? Benjamin avait demandé que ce journal soit détruit - Edouard et Martin ne peuvent s’y résigner. Chacun défend le droit à la trahison, au nom de l’amour perdu, frustré, ramené à « la perte qui est toute l’histoire de la vie et dont il ne s’arrangerait jamais ». Benjamin fuyant, « égaré », a laissé à ceux-là un goût de trop peu de communion, de ratage, d’être « laiss(é) sur le carreau », une colère sourde.
C’est tout l’art d’Arnaud Cathrine de savoir saisir dans une structure globale les moments anodins, les scènes familiales banales, les dialogues décousus, l’accumulation des non-dits, la musicalité des ententes tacites, l’épreuve des malentendus jamais abordés, jamais résolus - et la paradoxale fragilité des déclarations échangées, leur presque évanescence, ou leur inconsistance face à ce que le silence peut avoir de précieux (celui de Ninon, de Ronan) - pour révéler les fragments de la vérité intrinsèque aux rapports humains.
C’est une ligne rouge - ou noire, ou blanche, selon les voix - un fil fragile, ici tendu entre quatre bâtiments d’amour pour Benjamin, sur lequel la plume funambule d’Arnaud Cathrine danse avec un mélange de gravité et de légèreté, pudeur et force de la simplicité, propres à la vie même.

Le Journal intime de Benjamin Lorca
d’Arnaud Cathrine
Verticales, 197 pages, 16

A perte Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°112 , avril 2010.
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