Les Recluses forme un groupe de femmes, souvent masquées lorsqu’elles apparaissent en public, toutes victimes de viols pendant une guerre, dans un pays africain. Ces femmes décident de se réunir pour parler de ce qui leur est arrivé et, par la parole, briser le tabou et soigner leurs blessures. Les dix scènes de la pièce sont entrecoupées par quatre courts témoignages réels des violences subies par les femmes pendant la guerre (lors de la création, c’était de petits films documentaires).
Malgré ce sujet bouleversant, Koffi Kwahulé choisit de laisser triompher la vitalité et l’amour. La pièce commence par un cache-cache amoureux et se termine par un vrai baiser de cinéma. Le personnage principal des Recluses, c’est la langue, l’oralité, ce que l’on parvient à dire et comment cette parole libère et fait renouer avec la dignité. D’emblée l’auteur prévient qu’il est souhaitable que tous les personnages, y compris les personnages masculins, soient tenus par des femmes. Ce qui crée un décalage presque comique. Le théâtre est alors réaffirmé comme moyen de dénoncer la barbarie, sans tomber dans le pathos, par une énergie vitale qui oblige à dire.
Les Recluses offre deux très beaux moments de confession entre hommes et femmes. Le premier avec un couple qui continue de jouer à la guerre. Ou plutôt la femme aide son mari à se croire toujours en guerre. Mais ils jouent comme des enfants en criant « tatatatata » pour indiquer qu’ils tirent des balles. Le jeu s’arrête un court instant, le temps pour le mari de révéler pourquoi il se fait passer pour fou, une ruse face à la honte d’avoir tué et violé une enfant. L’homme repart ensuite à canarder de plus belle en faisant « boum boum » avec la bouche. Et enfin, l’aveu qui clôt la pièce, celui d’une femme à son amoureux, le jour de son mariage. Elle veut se sentir propre face à lui et pour cela lui dévoile le viol qu’elle a subi.
La langue de Koffi Kawahulé est une matière pour tenir debout face à la violence du monde.
Les Recluses de Koffi Kwahulé
Théâtrales, 48 pages, 11,50 €
Théâtre Prise directe
mai 2010 | Le Matricule des Anges n°113
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Prise directe
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°113
, mai 2010.