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Domaine français La peur au ventre

mai 2010 | Le Matricule des Anges n°113 | par Thierry Guichard

Aficionado compulsif, le comédien Denis Podalydès évoque sa passion vive pour la corrida, sa fascination pour la peur, le lieu ultime où le rêve rencontre la vie.

On aurait dû s’en douter. À le voir sur les scènes de théâtre ou jouer dans les films, porter cette fragilité de l’enfance de l’œil à la hanche, trouver d’une réplique la position exacte du corps, instantanément, on aurait dû deviner que Denis Podalydès puisait à la tauromachie autant qu’à la littérature cet art d’habiller ses rôles ; de les toréer, donc.
Plus proche ici, dans son troisième livre, de Scènes de la vie d’acteur qui inaugure son œuvre littéraire que de Voix off, La Peur Matamore enchâsse deux textes de fiction (deux monologues théâtraux ou romanesques de toreros traversés par la corne et la mort) entre « un journal d’aficíon » où l’auteur se fait surtout spectateur et le texte éponyme qui désigne le passage à l’acte : toréer ailleurs qu’en salon.
Si La Peur matamore voisine avec Scènes de la vie d’acteur, c’est à plusieurs titres : dans la forme du journal et celle du récit autobiographique d’abord, dans la lucidité impitoyable avec laquelle l’auteur autopsie son addiction, dans la fascination qu’il avoue pour la peur, celle qui donne au Matamore du théâtre l’art de la forfanterie. « J’appelle Matamore ce désir de peur, de fuite, cet élan comique, violent, furieux, instable, incertain, affabulateur, qui me tient, me pousse, me fait travailler, avancer, reculer, m’encombre et me remplit, m’entrave et me libère. »
Vivre intensément l’invivable.
Pour évoquer son aficíon, Denis Podalydès ne pousse pas sa plume du côté du mythe. Le récit de ses voyages, solitaires autant qu’impérieux, vers les arènes d’Espagne, les ferias du Sud, aucun office du tourisme n’en voudrait. La corrida s’y montre dans sa nudité cruelle : belle dans la lenteur d’une « naturelle » exécutée impeccablement par un matador, elle donne avec le rouge sombre du sang (celui des hommes encornés autant que celui des taureaux foudroyés), un goût amer qui atteint parfois, sous un ciel gris à Mauguio, la tristesse infinie d’une errance désœuvrée. Diariste sans concession, Podalydès évoque le retour du mutique José Tomás, en 2007 après cinq ans sans toréer. Le comédien est à Nîmes pour assister au retour de son héros. Jean-Marie Bourret, ancien banderillo d’Enrique Ponce, autre figure vénérée, immortalise l’instant : deux photos sont prises du comédien français accolé au matador impeccable : « la corrida qui s’ensuit est inoubliable » et le journal achevé.
Le « Monologue d’un jeune Matamore » qui suit évoque tout autant le travail d’un comédien qu’un texte d’écrivain. Il s’agit, par la force d’un monologue allegro de saisir l’instant où la corne du taureau traverse le corps du matador, l’envoie à terre, revient le fouiller, le pénétrer, le perforer. Exploration de la peur profonde par le biais de la fiction, vivre intensément l’invivable. Denis Podalydès ensuite convoque Javier Tomás, ou son fantôme, en une dizaine de pages impeccables et prémonitoires. Javier Tomás déambule dans le rêve d’un homme (on verra plus loin, dans l’ultime texte du livre qu’il s’agit d’un rêve de l’auteur lui-même) qu’il sauve d’un taureau imprudemment affronté. Tomás évoque sa « première mort » au Mexique où la charge d’un taureau le vida de son sang. À l’heure où nous écrivons cet article, le vrai José Tomás vient de se faire perforer l’artère fémorale au Mexique par un taureau qui pourrait l’éloigner définitivement de l’arène…
« La peur matamore », enfin, qui clôt le livre revient au mode autobiographique. Denis Podalydès y montre le pathétique à quoi parfois son enthousiasme le conduit (très belle scène, cruelle et émouvante, dans laquelle il torée, honteux et fou, sa compagne). Le torero de salon se verra toutefois offrir de vraies arènes, un véritable adversaire : une vache de corrida offerte à sa peur immense. Autant dire : un feu noir pour quitter la scène, transformer Matamore en matador et se tenir droit.

La Peur Matamore de Denis Podalydès
Seuil/Archimbaud, 168 pages, 15

La peur au ventre Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°113 , mai 2010.
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