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Égarés, oubliés Triple saut

janvier 2011 | Le Matricule des Anges n°119 | par Éric Dussert

Journaliste des années folles, natif d’Alger, Paul Achard fit une carrière d’homme de lettres, de théâtre, de cinéma. Et agaça les Allemands.

C’est en authentique « salaouetch », l’équivalent algérois du garnement hexagonal, que Paul Achard fit dès 1902 ses débuts. Lançant avec des amis lycéens son journal littéraire, Le Potache, il entreprit de polémiquer avec Ernest Mallebay, le vénérable directeur des influentes Annales africaines. Rien de moins… Né le 22 mars 1887 à Alger, il n’avait pas 13 ans qu’il bravait l’institution et tendait à se tailler déjà une réputation d’asticoteur. Bon garçon tout de même, et finalement étudiant en droit, il obtint de devenir un peu plus tard secrétaire de rédaction des mêmes Annales – Mallebay était sans rancune – et d’y signer des « chroniques malicieuses », pleines de verve et de cabrioles sur la vie de la capitale du département d’outre-mer. Intitulées « A Alger », elles furent vite remarquées, et par un ami de la famille notamment, qui devina les dispositions du jeune homme pour le journalisme et lui proposa de le rejoindre à Paris. Le 18 janvier 1908, c’était chose faite.
De La Liberté (1910) à L’Ami du peuple (1928-1937), il fit ses armes assez brillamment pour diriger les rubriques spectacles de grands quotidiens. Mais il y a la césure des années 1914-1918 durant lesquelles, engagé volontaire, il fit campagne dans les Dardanelles d’abord, puis aux crapouillots du 175e régiment d’artillerie de tranchées ensuite jusqu’au mois de mai 1918, date à laquelle les gaz de combat le brûlèrent gravement et lui marquèrent le crâne définitivement. Mutilé de guerre, il fut réformé le 2 juillet 1919 et reprit son activité d’homme de presse.
Paul Achard est alors un homme de la nuit, un permanent des bamboches et spectacles parisiens. Il vit sur les grands boulevards, dans les dancings de Montparnasse, les théâtres de tous quartiers. On le voit parmi les pointures du milieu et les danseuses. Nul doute que c’est pour le jeune homme, une (très) belle époque. Engagé à L’Eclair, il tient les pages « Théâtres », puis les pages « Spectacles » de Paris-Midi, signe des articles dans Voilà, le grand hebdomadaire de reportage, aux côtés de Pascal Pia, André Salmon, Léon-Paul Fargue, Francis Carco, Pierre Hamp, etc.
Sans délaisser les journaux, le célibataire signe en 1927 un premier livre : ce sont Les Bonnes (Éditions de France, 1927), un plaisant panorama consacré à cette drôle d’engeance dont on n’a plus idée. Il faut songer que dans les années 1920, la « personne » figurait en bonne place parmi les fléaux de l’homme seul qui ne s’en débarrassait que par « le meurtre, le suicide ou… le mariage  ». Doté d’un style souple et énergique, équipé d’un esprit enclin à la formule, Paul Achard fit plusieurs incursions dans le domaine de l’enquête « domestique », notamment avec Nous les chiens (Éditions des Lettres françaises, 1929), Salaouetches (Baconnier, 1941), une évocation d’Alger 1900, ou encore avec La Queue, dont les mauvais garçons auront (trop) tôt imaginé qu’il s’agit des aventures de la leur. Mais non, cette queue-ci, qui n’a rien de canin non plus, rappelle de manière assez tonitruante ce qu’était celle qui se formait durant l’Occupation devant les BOF, les Beurre-Œufs-Fromages dont l’épicier Jambier du 45 de la rue Poliveau reste le représentant le plus célèbre. Son livre qui devait paraître en 1943 fut naturellement interdit par les Allemands qui tenaient Achard dans leur collimateur. Et pour plusieurs raisons…
Directeur littéraire du magazine illustré Vu en 1939, il avait démissionné de son poste à l’arrivée des Allemands en juin 1940 et renoncé à toute activité journalistique. Non pas à la Résistance (groupe TOM). Arrêté à la moindre occasion, il avait eu du reste l’audace de publier en 1930 sous sa propre marque d’éditeur, Les Lettres françaises, un reportage en Allemagne, Ia ! Deux ans avant Simone Weil, il y avait signalé aux Français le danger que représentait la proximité d’une nation organisée pour la revanche. La Queue paraîtra toutefois à la Libération (elle vient de revoir le jour avec ses dialogues délectables chez Mille et une Nuits, 176 p., 4,50  ;).
Les années 1930 avaient vu Paul Achard se tourner vers le théâtre et le cinéma. S’il publiait le 15 octobre 1931 son autobiographie romancée, L’Homme de mer (Grand prix littéraire de l’Algérie 1938), c’est en 1932 que sa vie prit un tournant avec la parution en librairie de La Croix du Sud parallèlement à la sortie du film tiré de ce roman par le producteur André Hugon (Pathé-Nathan, 1932). Et 1932 aura sans conteste été sa grande année : présent à la vente des écrivains combattants, le 6 mai 1932, à l’hôtel S. de Rotschild Paul Achard participe avec le journaliste Jacques Mortane à l’appréhension de l’assassin Paul Gorgulov, un émigré russe qui vient de perpétrer son attentat contre le président Paul Doumer. Au mois de novembre suivant, il manque de figurer sur la liste du prix Goncourt (on se souvient que cette année-là Mazeline obtint le titre contre Céline), mais il reçoit le prix Strassburger pour Un œil neuf sur l’Amérique et joue dans Le Marchand de sable, un film d’André Hugon.
Un temps embarrassé par le choix que fit sans vergogne un certain Marcel Ferréol du pseudonyme de Marcel… Achard – malgré sa propre notoriété –, Paul Achard poursuivit son activité dans le domaine du théâtre, du cinéma, participa volontiers aux instances paritaires (SGDL, Société des auteurs, etc.) et donna de notables succès dont les amateurs se souviennent encore : sa version de La Célestine de F. de Rojas ou ses Violettes impériales composées avec Vincent Scotto figurent parmi ses plus beaux exploits. Il serait bien étonnant que le cinquantenaire de l’Indépendance de l’Algérie ne permette pas les retrouvailles avec ce fils d’Afrique disparu le 10 novembre 1962 à Paris.

Eric Dussert

Triple saut Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°119 , janvier 2011.
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