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Domaine français J. H.

septembre 2011 | Le Matricule des Anges n°126 | par Thierry Guichard

À partir de l’hymne américain joué à Woodstock en 1969, Lydie Salvayre compose un hymne à Jimi Hendrix. Et montre qu’en 1970, il est mort de ce qui nous tue aujourd’hui.

Lydie Salvayre n’est pas une biographe. Même si elle a consacré son livre précédent à l’éditeur Bernard Wallet (BW, Seuil 2009), ce n’était pas tant pour raconter la vie de son compagnon que pour y souligner ce qui, à ses yeux, fait sens pour notre époque. De même ici, avec Hymne, tout entier voué à Jimi Hendrix, la romancière s’attache à faire surgir d’un destin singulier les colères, la compassion, l’admiration et la réflexion qu’il génère. Il ne s’agit pas tant de raconter, que de mettre en lumière, dans la perspective historique, politique et humaine le parcours et l’art d’un homme mort à 27 ans – c’est à 27 ans qu’on meurt dans le rock et la pop.
Il y aurait plus d’un parallèle à faire entre BW et Hymne. Dans le fonds : deux enfances plus que modestes qui sonnent peut-être, pour la romancière, comme un écho familier ; la prise à bras-le-corps de la musique pour l’un, de la littérature pour l’autre ; leur confrontation au monde de l’argent, du business et à sa cohorte de philistins. Dans la forme : une manière d’asséner des faits taillés comme des cristaux de sel, propres à faire naître les larmes ou la rage et dans cela, qui est sérieux, des apartés légers, drôles parfois où viennent briller des coups de lame contre ce qui nous écrase et foule à ses pieds l’art, qu’il soit littéraire ou musical.
Il ne s’agit peut-être donc pas tant de dire qui était Jimi Hendrix que le monde dans lequel, pour exister, il lui fallut s’élever au-dessus de lui-même. L’Amérique raciste et guerrière, le naufrage promis quand on naît trois fois métis (sang noir, blanc et indien) et misérable. Et il s’agit de montrer qu’une œuvre est un monde qu’on érige pour répondre à celui qu’on subit.
Pour raconter Hendrix, Lydie Salvayre ne revêt pas la tenue du critique de rock. Elle reste elle-même : femme émotive, vive dans la colère et dans la compassion, plantant ses banderilles à bon escient sur ce qu’elle exècre et qui va de la pègre à col blanc à la niaiserie adolescente. Et quand elle écoute, encore et encore, The Star Sprangled Banner, c’est pour garder physiquement présent un hurlement « qui se lève contre l’horreur et redonne vie à nos vies » aujourd’hui où « notre abdication serait (…) si totale que nous n’aurions plus à nous insurger ? », aujourd’hui où « l’expression de la révolte (est) affadie dans des livres indigents et qui manquent de soufre ». C’est à cette aune-là qu’elle écrit Hymne : comme mémorialiste d’une révolte défunte, comme en deuil de toute révolte future.
Alors elle compose un éloge vibrant, où chaque retour à la ligne est un riff sauvage, en un mode qui n’est jamais mineur. Les chapitres suivent les décibels de l’hymne joué par Hendrix qui n’oppose « nulle défense à la musique qui lui venait (comme je laisse venir, en ce moment, les mots sur lui, sans me soucier qu’ils sonnent sur ce ton exalté que d’ordinaire j’abomine). »
Le succès, qu’Hendrix ira chercher en Angleterre d’abord, en France ensuite (et l’on apprend – car la romancière s’est bougrement documentée – que Drucker le reçut…), lui vaudra de revenir célèbre aux States et déjà la proie des producteurs (« chatouilleux sur leur goût, comme le sont souvent les médiocres ») dont ce « connard » de Jeffery qui exploita le filon jusqu’à ce qu’il en crève (255 concerts en une année !). Jeffery, ici, représente ce pouvoir de l’argent inculte, grossier et cynique sur lequel les mots pleuvent comme des coups, et Hendrix « était devant Jeffery comme on est devant la bêtise » : désarmé.
On pourrait retenir, aussi, ce qui est dit de la mère absente et qu’aucune note d’Hendrix ne touchera, n’éveillera, ne ressuscitera. On pourrait retenir que l’écriture, comme toujours chez Salvayre, puise son lexique à tous les siècles. Mais de la rage qu’on reçoit à la lecture d’Hymne, on retiendra ceci : Lydie Salvayre n’est pas une biographe, elle est un boxeur.

T. G.

Hymne
Lydie Salvayre
Seuil, « Fiction et Cie », 240 pages, 18

J. H. Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°126 , septembre 2011.
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